Ci-dessous,
extrait d’un entretien avec le politologue Stéphane François,
spécialiste de l’extrême droite et des sous-cultures. Voir
éventuellement l’article que Wikipedia lui consacre.
On pourra lire l’entretien
complet à cette page :
https://tempspresents.com/2013/09/03/stephane-francois-conspirationnisme-2-0/
Au téléphone, vous évoquiez le développement
d’un conspirationnisme « structuré » à
l’extrême-gauche, pourriez-vous m’en préciser les contours ?
Comment se démarque-t-il ou se recoupe-t-il avec un
conspirationnisme plus traditionnellement situé à l’exact opposé
d’un point de vue idéologique ?
En effet, certaines des origines du
conspirationnisme sont aussi à chercher dans une certaine extrême
gauche, qui voit dans tout événement une action d’un gouvernement
ou d’une officine supra-étatique et forcément libérale. Il ne
faut pas oublier que les thèses conspirationnistes paranoïaques
sont aussi présentes à l’extrême gauche. Ainsi, les milieux
communistes étaient friands (et le sont encore chez certains
nostalgiques du stalinisme) de conjurations mondiales des forces
réactionnaires, qui barraient forcément la route du progrès. C’est
même devenu une antienne de la littérature soviétique.
Dans les milieux communistes italiens, cette
réaction a été portée à la « connaissance du peuple »
dans des publications qui incriminent l’existence d’un complot,
ourdi évidemment de longue date, entre la maçonnerie, la mafia, les
services secrets américains et l’Église catholique, aux fins
d’entraver la « marche du progrès », voire l’avènement
du paradis marxiste. Cette thématique a quitté l’aire communiste
pour se développer dans les milieux altermondialistes et
écologistes, surtout à partir des années 2000. Ainsi, une revue
américaine, d’extrême gauche, Conspiracy Digest, se
consacre à « l’identification de la nature de la
conspiration de la classe dirigeante »…
Parfois, ces thèses se diffusent avec les relents
d’antisémitisme (« l’antisionisme ») propres à
certaines sphères marxistes, celui-ci se transformant éventuellement
en négationnisme… Au-delà de cette utilisation idéologique du
complot, la paranoïa est aussi présente dans sa forme pathologique
dans ces milieux, mais là nous entrons dans le pathologique.