L’@nonyme et outrecuidant harceleur consacre sa vie à l’attaque à la
personne, au lieu de travailler. Au lieu d’ouvrir un cours de
physiologie végétale, par exemple.
La science se distingue de tous les autres modes de transmission des connaissances par une croyance irrévérencieuse : nous croyons que les experts
sont faillibles, que les traditions peuvent véhiculer toutes sortes de
fables et d’erreurs, et qu’il faut vérifier, par des expériences.
Comme André Pressiat l’avait bien fait remarquer dans ses conférences
de didactique, quand un ingénieur de recherches expérimenté remet
profondément en cause les hiérarchies d’héritages qu’il avait apprises
en fac comme tout le monde, c’est qu’il a vu les défauts inadmissibles
de ce qu’on lui avait initialement transmis. Intrigué, Fabrice Neyret
est allé interroger Pressiat à la fin de la conférence, et Pressiat lui
a sorti le livre « Le nombre, une hydre à n visages ; entre nombres complexes et vecteurs »
(décembre 1997), où je suis responsable des pages 259 à 299. En effet,
je fais hériter les tenseurs des grandeurs physiques, et non des listes
de nombres. Ce sont des descripteurs de quelque chose,
et ils ont donc des obligations, une syntaxe contraignante. Le
physicien s’écarte clairement des bourdes et légèretés écrites par Elie
Cartan dans les années trente.
Déjà en 1894, Pierre Curie avait démontré que représenter le champ
magnétique par un vecteur en viole toutes les symétries. Hélas il est
mort avant d’avoir eu connaissance de l’outil adéquat, déjà développé
par Gregorio Ricci-Curbastro et Tullio Levi-Civita. Les outils de
Pierre Curie sont empruntés à la cristallographie de son temps, et
n’atteignent pas la cible. Il a fallu attendre 1921 pour qu’Albert
Einstein écrive en public les neuf coordonnées du tenseur champ
magnétique B. En 1916 il s’égarait encore dans un Sechstesvektor, gourande qu’il partageait du reste avec Edmund T. Whittaker.
Quand donc l’anonyme et outrecuidant harceleur aura-t-il le courage d’ouvrir un cours de physiologie végétale ?