« Bravo pour votre
courage, vous ne prenez aucun risque sur Agoravox en dénigrant la presse
française au profit de RT qui est dans le dénigrement permanent de votre
pays que vous aimez tant. Je vote quand même pour votre article, ce qui ne fera
qu’un texte de plus de propagande poutinienne journalière qu’on peut lire ici. »
Un modérateur m’a fait
ce commentaire, mettant en cause ma loyauté et mon courage. J’ai souhaité lui
répondre.
« Bravo pour votre
courage, vous ne prenez aucun risque sur Agoravox en dénigrant la presse
française au profit de RT »
Vous n’avez pas tort.
Mais où croyez-vous qu’il soit possible d’écrire une critique de la presse
française ? Je commente parfois sur Le Figaro : une critique
(raccourcie) dans l’esprit de celle-ci serait censurée.
Et à la fois pas tout à
fait raison. L’Histoire réserve des surprises. Nous sommes probablement fichés.
Il suffit d’une minute à un flic pour avoir accès à notre identité. Un pouvoir
très autoritaire peut nous rafler si besoin était dans des circonstances
dramatiques. J’ai perdu ainsi un proche, raflé en Estonie par les soviétiques en
39 suite au pacte germano-soviétique. Nous sommes aujourd’hui très loin de cette situation en France, mais cela peut changer très rapidement.
« qui est dans le dénigrement permanent
de votre pays que vous aimez tant »
Pas vraiment d’accord. RT
critique ce qui mérite d’être critiqué, comme par exemple le bombardement
illégal de la Syrie, ou la désinvolture diplomatique avec laquelle UK et ses
alliés de l’OTAN traitent la Russie dans l’affaire Skrypal.
Sur le fond, RT en tant
qu’émanation du pouvoir russe, et donc du peuple russe, aime la France. Sa
ligne éditoriale est celle de l’amour déçu, à ne pas confondre avec l’envie de
voir disparaître la France, ce qui serait plutôt, vis-à-vis de la Russie, la
ligne éditoriale d’un journal comme Le Monde en ligne avec les
néo-conservateurs américains. Avec en plus, côté RT, une opposition politique franche
à l’UE (réciproque) et le goût des nations à l’ancienne (que l’UE ne partage
pas).
RT reprend les critiques
adressées à la Russie par la presse néo-cons. Pour les contester, certes, mais le
lecteur en est informé. L’inverse n’est pas vrai, notre presse
« démocratique » se considérant très au-dessus de tout ce qui n’est
pas elle-même et sa ligne éditoriale, au-dessus de tout ce qui peut venir de
Russie. Par exemple, les discours de Poutine ne sont pas repris ni sérieusement
analysés, à part quelques extraits « soigneusement sélectionnés ».
Poutine n’a pas tort
lorsqu’il affirme que le rêve des néo-cons (et de la presse qui les soutient,
Le Monde en pôle position) est d’accrocher au mur la peau de l’ours russe
édenté (sans armement nucléaire et privé de son siège au conseil de
sécurité : voir les déclarations récentes du gouvernement britannique, ainsi que les déclarations de Albright/Clinton comme quoi la Sibérie appartient à tous les pays). Le
rêve des Russes est en revanche de retrouver une France « napoléonienne », une
France épique, un pays porteur d’un message de liberté, comme autrefois. Ces
lignes éditoriales très différentes, plus agressive côté Ouest qu’à l’Est
(néo-cons contre RT) se traduisent par une plus grande ouverture de l’info.
côté RT. Telle est du moins ma perception.
En fait, on tourne en
rond indéfiniment, on en revient toujours à la dispute entre les pro et les
anti US. On n’en sort pas. C’est l’industrie cinématographique US et tout le
substrat culturel qui va avec, ce sont les agences de communication US et
affiliées (AP, Reuters, AFP, DPA) d’un côté, contre une partie des sites sur l’Internet
dont RT de l’autre qui contestent la suprématie écrasante des USA. Qui est le plus séduisant,
le plus menteur, le plus falsificateur de la réalité ? Mon propos est de prétendre
que AP, AFP et consorts (et les gazettes associées) sont plus forts que RT en
matière d’intox médiatique. C’est
l’objet du débat que j’ai lancé avec ce petit article, que l’on soit pro ou
anti US. Pour être clair, je fais partie des anti, dans une optique
souverainiste (chevènementiste, pour faire court).
Mais ce débat sur la qualité des médias n’a d’intérêt que
par les arguments « objectifs », factuels, les exemples soumis à la
discussion, les différentes positions a priori de chacun apportant un plus en
enrichissant et aiguisant les débats. Entre pro et anti US, personne ne peut
avoir raison de manière définitive. L’histoire suit son cours et jugera avec
ses propres lois, amenant au siècle dernier à la disparition de l’URSS. Sans
jugement définitif global prédictif de l’avenir, on peut néanmoins discuter
des procédés des deux camps pour s’affirmer l’un contre l’autre dans la guerre
médiatique.
« Je vote quand
même pour votre article, ce qui ne fera qu’un texte de plus de propagande poutinienne
journalière qu’on peut lire ici. »
Pas faux, l’engouement
pro-poutine sur Agoravox est excessif. En réalité, ce n’est pas tant Poutine
qui est plébiscité en tant que dirigeant de son pays (pays dans l’ensemble
assez mal connu à l’Ouest), que son choix d’une ligne politique souverainiste
indépendante des USA et des globalistes unipolaires, une ligne opposée à la
domination absolue du dollar et aux bombes destructrices de pays entiers qui
garantissent la domination et la pérennité du dollar.
C’est bien plus une
nostalgie du gaullisme qui s’exprime ici qu’un quitus à un dirigeant russe dont
on ignore pour l’essentiel ce qu’il fait chez lui. Par exemple, que fait
Poutine pour la baba russe qui vit dans un village reculé de Russie, sans eau
courante, un village d’accès difficile par la route, avec des loups qui mangent
les poubelles la nuit venue. De quoi vit-elle, mis à part son jardin potager
recouvert de neige en hiver, comment fait-elle pour se soigner ? On n’en
sait fichtre rien, et on s’en fiche un peu, ce n’est pas notre problème. Notre
problème, ce sont les degrés de liberté dont peut encore disposer notre pays
sur la scène mondiale. C’est à ça que sert Poutine sur ce site, démontrant
qu’il est possible de faire autrement.