ADDENDUM
Georges Bensoussan - Les Juifs du monde arabe - Chapitre intitulé « Un royaume déserté »
Page 110.
« En moins d’une génération pourtant, et en dépit de cet accueil glaçant [en israël, voir ma note en bas] le Maroc s’était vidé de ses Juifs. A l’automne 1956, alors que le pays n’était indépendant que depuis le 2 mars précédent, 90 000 Juifs étaient déjà partis. Le ministre juif nommé dans le premier gouvernement marocain, Léon Benzaquen, fut remercié au bout de deux ans. Il n’y eut plus de ministre juif au cours des quarante années suivantes alors que le Maroc comptait encore une importante communauté. Le médecin Léon Benzaquen, nommé ministre des Postes en 1956, fut longtemps l’alibi du pouvoir marocain, à l’instar, plus tard, de tel notable juif héritier des »juifs de cour« de jadis conseiller de Hassan II hier et de son fils Mohammed VI aujourd’hui. Le pouvoir de ces Juifs du Palais, alliés du Makhzen, demeure important, y compris en France, où ils font prévaloir une parole convenue sur le »dialogue judéo-marocain« dans certains milieux communautaires prompts à cultiver la mythologie d’une »convivialité sans nuage.
Entre mai et novembre 1956, 36301 Juifs quittent le royaume alors que Rabat vient d’interdire à l’Agence juive de poursuivre son activité. L’émigration clandestine prend le relais, encadrée par des émissaires israéliens présents dans l’ensemble du Maghreb français depuis 1955. L’opération est planifiée par la Misgueret (hébreu : le cadre), sous le contrôle des services de renseignements israéliens à l’étranger (Mossad). Si les agents israéliens furent sans doute persuasifs et convaincants, ils ne pouvaient à eux seuls déraciner tout un peuple comme le colporte aujourd’hui la légende noire d’Israël. Ils encadrent les départs clandestins et entraînent les jeunes Juifs à l’autodéfense, une mission mise en place après le Farhoud, le pogrom perpétré à Bagdad les 1er et 2 juin 1941, qui fit 180 morts et plus de 600 blessés. L’Agence juive cherche en effet à renforcer l’autodéfense des communautés juives du monde arabe en prévision des violences liées aux retombées du conflit en Palestine et qui pourraient survenir aussi lors des indépendances. Cette préparation s’avère efficace en Libye et en Egypte dès 1945, au Maroc également en 1961 quand, à l’occasion de la visite du président Nasser à Casablanca, une vague de persécutions frappe la communauté juive.«
(1) Accueil »glaçant" en Israël où les Séfarades, dont le niveau de culture est plus faible, se trouvent souvent frappés d’une sorte d’ostracisme, relégués à des fonctions subalternes, et à la périphérie des grandes villes. Quelques documentaires récents on fait le point en israël, et sans concession, sur ces grandes inégalités sociales entre les Juifs ashkénazes premiers arrivants et les différentes immigrations qui ont suivi.