@ Gollum
Comme nous avons vous et moi déjà évoqué l’accointance entre Rimbaud et Nietzsche, je me demande si en fait Rimbaud ne prône pas pour le Poète (pas pour tout le monde, donc) l’expérience des passions jusqu’à l’incandescence.
’La première étude de l’homme qui veut être poète est sa propre
connaissance, entière ; il cherche son âme, il l’inspecte, il la tente,
l’apprend. Dès qu’il la sait, il doit la cultiver ; cela semble simple :
en tout cerveau s’accomplit un développement naturel ; tant d’égoïstes
se proclament auteurs ; il en est bien d’autres qui s’attribuent leur
progrès intellectuel ! — Mais il s’agit de faire l’âme monstrueuse : à
l’instar des comprachicos, quoi ! Imaginez un homme s’implantant et se
cultivant des verrues sur le visage.
Je dis qu’il faut être voyant, se faire voyant.
Le Poète se fait voyant par un long, immense et raisonné dérèglement
de tous les sens. Toutes les formes d’amour, de souffrance, de folie ;
il cherche lui-même, il épuise en lui tous les poisons, pour n’en garder
que les quintessences. Ineffable torture où il a besoin de toute la
foi, de toute la force surhumaine, où il devient entre tous le grand
malade, le grand criminel, le grand maudit, — et le suprême Savant — Car
il arrive à l’inconnu ! Puisqu’il a cultivé son âme, déjà riche, plus
qu’aucun ! Il arrive à l’inconnu, et quand, affolé, il finirait par
perdre l’intelligence de ses visions, il les a vues ! Qu’il crève dans
son bondissement par les choses inouïes et innombrables : viendront
d’autres horribles travailleurs ; ils commenceront par les horizons où
l’autre s’est affaissé !’ [in lettre dite du Voyant]