@CLAIRVAUX
« Mais, hélas ! Triste souvenir de nos victoires, que nous
rappelez-vous ? Monuments superbes élevés au milieu de nos places publiques
pour en immortaliser la mémoire, que rappellerez-vous à nos neveux, lorsqu’ils
vous demanderont, comme autrefois les Israélites, ce que signifient vos masses
pompeuses et énormes ?... Vous leur rappellerez un siècle entier d’horreur et
de carnage : l’élite de la noblesse française précipitée dans le tombeau, tant
de maisons anciennes éteintes, tant de mères point consolées, qui pleurent
encore sur leurs enfants ; nos campagnes désertes, et au lieu des trésors
qu’elles renferment dans leur sein, n’offrant plus que des ronces au petit
nombre de laboureurs forcés de les négliger ; nos villes désolées, nos
peuples épuisés, les arts à la fin sans émulation, le commerce languissant ;
vous leur rappellerez nos pertes plutôt que nos conquêtes... Vous leur
rappellerez tant de lieux saints profanés, tant de dissolutions capables
d’attirer la colère du Ciel sur les plus justes entreprises ; le feu, le sang,
le blasphème, l’abomination et toutes les horreurs qu’enfante la guerre, vous
leur rappellerez nos crimes plutôt que nos victoires. »
Massillon, « Oraison
funèbre de Louis XIV », Petit Carême.