@moderatus
Toutes ces bonnes âmes qui s’émeuvent sur le sort des migrants - lequel est tragique, il faut bien le reconnaître-, ne doivent quand même pas être aussi nombreuses qu’il y paraît. Dans l’Est parisien où j’habite, malgré les efforts des municipalités socialistes qui ont fait enlever les bancs pour qu’ils ne puissent pas s’incruster, je vois beaucoup de SDF, et certains depuis longtemps, qui s’enfoncent très progressivement et vieillissent beaucoup plus vite que moi. C’est un naufrage plus lent que celui des migrants qu’on a mis sur des canots après les avoir dépouillés de leurs derniers sous, mais c’est quand même un naufrage, et cela aura commencé, je m’en souviens très bien, après le virage libéral du second gouvernement de l’homme à la francisque. Depuis plus de trente ans que cela dure, la gauche caviar n’y aura jamais rien trouvé beaucoup à redire.
Moi, je suis un parfait salaud. De temps en temps, je donne un euro, mais jamais une seconde fois à celui qui m’a insulté parce qu’on ne peut rien avoir avec si peu. J’aurais bien les moyens d’inviter chaque jour un SDF à ma table - bien que je me nourrisse comme les petits bourgeois n’accepteraient pas de nourrir leur chien !- mais je ne l’ai jamais fait. J’aurais de la place pour loger aussi quatre ou cinq SDF, la nuit. J’y ai souvent pensé mais je ne l’ai jamais fait parce que je suis un salaud. Il reste que s’il y avait plus d’âmes charitables, on ne verrait pas de SDF dans la rue ou dans le métro. Où sont-elles, les âmes charitables de mon quartier ?
Est-ce à dire que les Parisiens des quartiers Est seraient tous, comme moi, des salauds ? De fait, du côté de la rue de la Pompe, ou avenue Foch, on voit beaucoup moins de SDF. Il faut dire que dans ces quartiers du XVIe arrondissement, les Parisiens sont en moyenne plus fortunés, ils tiennent table ouverte, offrent quotidiennement le gîte et le couvert aux SDF et aux migrants, et c’est ce qui fait qu’on en voit beaucoup moins sur les trottoirs. Ce sont probablement ces bienfaiteurs de l’humanité, qui sont quand même en France une petite minorité, qui plaident pour que notre pays devienne l’Eldorado de toute la misère du monde.
La politique de notre Chanoine de Latran, à cet égard, me paraît extrêmement providentielle et positive. En favorisant les plus fortunés et les plus généreux, fût-ce aux dépens de ces salauds de pauvres qui, de toute façon, ne feront jamais rien en faveur des SDF et des migrants, il résout de la manière la plus élégante et efficace la vieille question de l’extinction du paupérisme.