Eh bien voilà : la race des seigneurs latins, avant même les grandes invasions, avait beaucoup de soucis à se faire : régnant sur des contrées vaincues, elle ne parvenait pas à garantir la pérennité de sa clanité — du moins, telle qu’elle se l’était toujours représentée, dans sa vaine arrogance. Devant une multitude que l’on trouvait hirsute, tout en clans bigarrés, en tribus réfractaires et en nations du cru, les nobles impériaux ne pouvaient que souhaiter se distinguer, resplendir au-dessus de la mêlée ; pour protéger — qu’on comprenne comme ils étaient sots ! — le précieux héritage patrilinéaire qui les reliait, pensaient-ils, jusque par-dessous les archipels égéens, aux seuls millénaires oliviers hellènes.
Tous seigneurs conquérants qu’ils étaient, les Romains avaient tout de même conscience que les étrangers en leurs provinces, c’étaient eux. De là à ce qu’on les y appelle « les barbares », il n’y avait qu’un pas, qu’il faillait définitivement décourager de franchir, le Rubicon l’ayant été, après Jules, de multiples fois, dans les deux sens et depuis belle lurette. Il s’agit donc de concocter le sens péjoratif de « peuplade » ; en abîme de la notion initiale de gens : la noble maisonnée des patriciens et celle, plus modeste, des plébéiens. C’est tout ce que le tribun de l’époque fut en veine de trouver pour donner encore un sens à son idée de la seigneurie : les clans, les nations et les tribus — justement, parce que sur leurs terres ancestrales —, il fallait leur rappeler qu’elles n’avaient été conquises que pour l’offense que leur barbaresque faisant à l’ombre impériale et qu’elles ne pouvaient en aucun cas bénéficier des privilèges forcément « originels », quasi mythiques, de la romanité. Commentallait-on s’y prendre ?
Je vois votre sourcil s’arquer sous l’effort pour comprendre où je souhaite en venir. Patience.