Mais n’allons pas trop vite en besogne : en attendant que les consuls latins comprennent ce qu’il y avait d’avantageux à quitter l’exiguïté de la capitale impériale pour aller se bâtir des châteaux dans les vastes et solitaires plaines d’Espagne, il fallut sous-traiter les tâches préfectorales, déléguer, confier l’important effort du commandement militaire à des barbares — latinisés, certes, mais barbares pour toujours, avait-on convenu d’avance : Francs ou Goths, peut-être même Africains, mais avec interdiction de souiller, par le fait d’une attraction seulement passible de la peine capitale, la pureté patrilinéaire.
Du galon, la promotion, oui ; mais pas le canapé, en somme.
Voilà l’inversion des valeurs que je dénonçais en entrée : on finit par faire dire au mot « peuple », « paysans métèques » — les désormais « gentils » — équivalent antique de nos tant honnis, mais si nécessaires « étrangers saisonniers » —, comme si la romanité s’était délestée du fardeau clanique ou tribal pendant que se taillant un empire.
Concédé au vulgaire et ne seyant qu’au Barbaresque — Le mot « gens » ne s’emploierait dorénavant que de l’engeance de ceux qu’il n’y aurait pas même lieu de considérer comme des… gens. Il s’avère seulement que ce décret s’appliquait aux meutes de bagaudes mâtinés de hors-la-loi, au nez et à la barbe des Provinciaux. Paradoxal, n’est-ce pas ? Ce qui l’est certainement, c’est qu’alors que l’on conspuait le Maurétanien ou le pannonien, c’est bien à lui que l’on confiait, manu militari, les terres gastes à faire revivre (code de Justinien). Voilà qui étaient les inavouables ancêtres immigrés des Français de souche.