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En effet, l’empire Ottoman est arrivé à un niveau de puissance inégalé doté d’une armée redoutable et possédant un arsenal tel que le monde n’en avait encore jamais vu, notamment des fusées volantes et une artillerie de premier ordre.
Que pouvait donc Bysance et l’empereur Constantin XI devant de tels moyens, même soutenus par les prières de milliers de prêtres et de moines qui se relayaient sans cesse dans les églises et les couvents de la métropole.
Après deux mois de siège de Constantinople et un bombardement intense, les troupes osmaniques envahirent la ville, l’empereur Constantin fut tué, la population massacrée, le Sultan Mehémet II renversa les ornements sacrés des églises, proclama la déchéance des images chrétiennes et la victoire de l’Islam : l’empire Ottoman venait de conquérir sa capitale.
La chute de Bysance en 1453 avec la prise de Constantinople par les Turcs, constitue un des plus grands faits de l’histoire du monde :
Les royaumes chrétiens et musulmans tombèrent par pans entiers sous la domination des sultans ottomans.
L’image satanique de l’Islam ressurgit alors. Le célèbre réformateur religieux Luther, au XVIème siècle, avertit les chrétiens : "Vous ne luttez pas contre des êtres de chair et de sang....soyez certains que vous luttez contre une grande armée de diables....Il faudrait contre ces diables une grande croisade".
pour les chrétiens, la religion musulmane est désormais l’erreur et le seul salut pour les musulmans est de se rallier à la seule vérité qu’incarne l’Eglise.
Dés lors, l’incompréhension est à son comble : Le musulman, traité d’infidèle utilise le même terme pour désigner le non-musulman. Et Bernard Lewis ( Comment l’islam a découvert l’Europe, la Découverte 1984 ) donne un exemple frappant de l’optique reductionniste commune à la tradition chrétienne et à la tradition musulmane : deux oeuvres, l’une de l’histoire arabe d’Ibn Khaldoun (fin XIVème siècle), l’autre de Bossuet (XVIIème siècle), portant le même titre « l’histoire universelle » ; ce titre recouvre en fait, pour le premier, la seule histoire du monde musulman, pour le second la seule histoire du monde chrétien. Chacun, convaincu de sa supériorité intrinséque et de détenir la seule Vérité, ignore l’Autre.
Et simultanément à la même époque, les encyclopédistes et hommes de lettres articulent leurs attaques virulentes sur Mahomet en personne, bien avant charlie, le faisant passer pour un faux prophète ». Et de le traiter avec une férocité inouïe de « sorcier, infâme, débauché, voleur de chameaux, cardinal qui, n’ayant pas réussi à se faire pape, inventa une nouvelle religion pour se venger de ses collègues ».
Ces préjugés injustes à son égard connaissent leur paroxysme au XVIIème siècle. Sa vie n’inspira pas seulement les auteurs de dictionnaires et d’encyclopédies, mais aussi et non moins violemment, les auteurs de pièces de théâtre et de romans : Voltaire y voit un fanatique, Goethe, un assassin.
Il est surprenant de constater que tous lui sont résolument hostiles.
En fait, ces idées injustes reflètent l’image singulièrement déformée que l’Europe chrétienne se donne de Mahomet : Les eclesiastiques ont compris qu’il fallait remplacer la lutte armée par la lutte idéologique. Ausi, le missionnaire prend-il la succession du croisé. Bien entendu, si la stratégie change, l’optique reste la même : la religion de l’Autre est l’erreur et le seul salut pour cet Autre est d’abandonner son identité.
Ce n’est qu’au terme du XVIIIème siècle, à l’époque des grands voyages de reconnaissance, que nombre d’européens, sans renier leurs croyances, sauront s’ouvrir au monde musulman, et leurs réflexions vont incliner vers un libéralisme religieux de plus en plus affranchi du dogme chrétien.
Et Lamartine d’écrire à propos de Mahomet dans son livre intitulé Histoire de la Turquie :
« Jamais homme ne se proposa….un but plus sublime, puisque ce but était surhumain : saper les superstitions interposées entre la créature et le Créateur, rendre Dieu à l’homme et l’homme à Dieu, restaurer l’idée rationnelle et sainte de la Divinité dans ce chaos de dieux matériels et défigurés de l’idolâtrie.
« Jamais homme n’entreprit, avec de si faibles moyens, une œuvre si démesurée aux forces humaines puisqu’il n’a eu, dans la conception et dans l’exécution d’un si grand dessein, d’autre instrument que lui-même….
« Enfin, jamais homme n’accomplit en moins de temps une si immense et si durable révolution dans le monde puisque, moins de deux siècles après sa prédication, l’islamisme, prêché et armé, régnait sur les trois Arabies, conquérait la Perse, le Khorasan, la Transoxiane, l’Inde occidentale, la Syrie, l’Egypte, l’Ethiopie, tout le continent connu de l’Afrique septentrionale, plusieurs des îles de la méditerranée, l’Espagne et une partie de la Gaule.
Si la grandeur du dessein, la petitesse des moyens, l’immensité du résultat sont les trois mesures du génie de l’homme, qui osera comparer humainement un grand homme de l’histoire moderne à Mahomet ? Les plus fameux n’ont remué que des armes, des lois, des empires ; ils n’ont fondé (quand ils ont fondé quelque chose) que des puissances matérielles écroulées souvent avant eux. Celui-là a remué des armées, des législations, des empires, des peuples, des dynasties, des millions d’hommes sur le tiers du globe habité : mais il a remué, de plus, des autels, des dieux, des religions, des idées, des croyances, des âmes ; il a fondé, sur un livre dont chaque lettre est devenue loi, une nationalité spirituelle qui englobe des peuples de toute langue et de toute race, et il a imprimé, pour caractère indélébile de cette nationalité musulmane, la haine des idoles et la passion de Dieu Unique….. »
Cette tradition de méconnaissance, voire de mépris qui caractérisera dans son ensemble le rapport du monde chrétien au monde musulman, connaîtra une certaine accalmie à partir de la fin du XIXème et ce, grâce à des hommes de grande tolérance et à forte personnalité telles que les Bonaparte, Lyautey, Lawrence d’Arabie ….et fait exceptionnel, le charismatique pape Jean-paul II.
Mais le drame est que le monde musulman ne s’avèrera quant à lui dans l’ensemble, pas plus enclin à tenter de combler ce fossé de méconnaissance et d’incompréhension.
Et nous vivons aujourd’hui les conséquences de douze siècles d’incompréhension mutuelle.
Pourtant la contribution des musulmans à la civilisation humaine est exceptionnelle :
Ce sont les chercheurs musulmans qui ont sauvé le patrimoine grec de la disparition et de l’oubli en le traduisant et transmettant l’héritage à l’occident.
C’est Ibn Nafiss qui découvre la circulation du sang.
Ce sont les arabes qui sont les inventeurs de la méthode inductive et les véritables créateurs de la recherche expérimentale ; ce sont eux qui ont créé l’optique, la physique et la chimie expérimentale, l’algèbre et l’arithmétique, la trigonométrie sphérique, la géologie, et la sociologie….Ils ont légué à l’occident comme présent le plus précieux de tous, leur méthode de recherche scientifique.
20/10 15:25 - popov
@kb Bonjour Sinon juste d’un point de vue d’honnêteté intellectuelle il n’y (...)
18/10 16:02 - kb
@Popov Je ne suis pas particulièrement adepte du discours exutoire accusant le « méchant » (...)
17/10 16:42 - popov
@kb J’avoue que j’ignorais que certains juifs pratiquent eux aussi les mariages (...)
16/10 13:25 - kb
sinon un petit lien avec un point de vue un peu plus rationnel
16/10 13:23 - kb
@POPOV Merci encore une fois d’accorder autant d’intérêt si bien documenté à ma (...)
15/10 16:57 - popov
@kb Merci pour ce long rappel historique tellement détaillé qu’il me semblerait impoli (...)
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