« Le travail, c’est l’émancipation. Le chômage, c’est l’aliénation. » Nicolas Sarkozy, sur TF1, 05/02/2007
« Il faut réhabiliter la valeur travail. » Jean-Pierre Raffarin, Premier ministre, 06/11/2004
« Le travail, c’est le ciment ultime de la société. » Claude Allègre,L’Express, 09/08/2004
EN 1938 DEJA ON REMETTAIT « la France au travail »
L’injonction à « remettre la France au travail » est calquée mot pour mot sur une formule d’Edouard Daladier, lancée en 1938 pour casser les acquis du front populaire.
Juin 1937, le gouvernement Blum tombe, le patronat exulte.
Revenue aux affaires, la réaction se met à l’ouvrage. Les mêmes hommes qui interneront les réfugiés espagnols républicains fuyant le franquisme et qui voteront les pleins pouvoirs à Pétain entendent bien « sonner la fin de la récréation », comme le dira Seillière 65 ans plus tard. « La volonté d’en découdre avec le monde ouvrier - à travers sa représentation syndicale - est illustrée par la concentration du tir sur le thème des « 40 heures », note l’historien Pierre Laborie.
S’ajoutent, à la critique technique des effets néfastes de la loi, des reproches culpabilisateurs sur la paresse, la facilité, les loisirs, la semaine des deux dimanches, sans jamais mettre en cause les responsabilités éventuelles du patronat et l’inadaptation des structures aux nouveaux besoins de la production, c’est toucher au domaine ultra-sensible du symbolique et de l’affectif. » [1].
Le 21 août 1938, le radical-socialiste Edouard Daladier, nouveau président du Conseil, déclare : « Il faut remettre la France au travail. »
C’est mot pour mot la formule dont le Medef et l’UMP useront et abuseront en 2003 pour lancer leur train de mesures en faveur du patronat. Le gouvernement actuel a supprimé un jour férié et à permis aux entreprises, en compensation des « 35 heures », d’accroître les heures supplémentaires imposées à la main d’oeuvre.
Le gouvernement de 1938 agit de même, avec une série de décrets-lois qui reviennent sur la semaine de 40 heures et suppriment le samedi chômé (« la semaine des deux dimanches »).
En préfiguration des vols groupés de Sarkozy, on assortit la casse sociale d’une répression accrue à l’égard des étrangers.
Le 14 avril 1938, le ministre de l’Intérieur, le radical-socialiste Albert Sarrault, demande à ses préfets « une action méthodique, énergique et prompte en vue de débarrasser notre pays des éléments indésirables trop nombreux qui y circulent et y agissent au mépris des lois et des règlements ou qui interviennent de façon inadmissible dans des querelles ou des conflits politiques ou sociaux qui ne regardent que nous. »
Deux semaines plus tard tombe un décret gouvernemental stipulant que « le nombre sans cesse croissant d’étrangers résidant en France impose au gouvernement, investi du pouvoir législatif dans un domaine nettement défini, d’édicter certaines mesures que commande impérieusement le souci de la sécurité nationale, de l’économie générale du pays et de la protection de l’ordre public. »
...L’expression « tolérance zéro » n’existait pas encore, mais on l’entend qui macère. Hier comme aujourd’hui, on tape sur les immigrés pour faire oublier à « nos » ouvriers les coups qu’eux-mêmes reçoivent.
[1] Pierre Laborie, L’opinion française sous Vichy, p. 146, Paris, Seuil, 1990, 405 pages