Petit commentaire d’une journée de traversée de gilets jaunes.

Nous ne sommes pas français. Nous étions dans le sud (Var) pour le weekend. Nous remontons vers la Haute-Savoie. Avons 6h de route (en temps normal). 3 chiens à bord, dont deux malades et sous traitement. Nous-mêmes en pas trop mauvaise santé, MERCI à qui de droit.

Premier barrage à Manosque : interdiction de prendre l’autoroute pour Sisteron. Une population de manifestants plutôt jeunes, clairement non favorisés, pas tous sobres, pense que cette soudaine cohésion populaire est le moment qui justifiera, de leur part, la forme d’abus de pouvoir et de privation de liberté qu’impliquent leurs barrages. À coup de drapeaux français ils se croient en 1789, ou à la Commune. Nous attendons une demi-heure. À part nuire à la mobilité des autres, ils ne font rien, ne proposent rien. Nous ne sommes pas français. Nous ne sommes pas macronistes. Mais le discours des gilets jaunes est vide. Un prétexte à l’expression explosive d’une révolte individuelle devenue collective peut-être, face à une société qui dévore l’individu (travail, aliments trafiqués, air pollué, maisons toxiques...), des salaires certainement trop bas, des impôts certainement trop hauts. Mais tout ça ce n’est pas le problème du carburant plus cher.

De deux choses l’une : soit on est dépendant de sa voiture et on fait des choix (plus de mèches chez le coiffeur, plus de maquillage, plus de manucure, plus de cigarettes, plus de petites bières au bistrot, plus de télé ou d’abonnements débiles... : on vit quand-même et ça paye largement l’essence !!), soit on n’est pas dépendant de sa voiture ou on fait tout pour en limiter le besoin. Aussi, on commence par arrêter le moteur quand on sort de son véhicule pour sortir acheter sa baguette de pain (vice tellement français, inimaginable en Allemagne ou en Suisse ! on ne pollue pas ainsi pour rien !).

Le comportement du 95% des gilets jaunes donne envie de donner des gifles. Une contestation creuse, qui se limite à se plaindre plutôt que de commencer par modifier son comportement. Comme un malade attend de son médecin et de son médicament un miracle, sans jamais imaginer arrêter de fumer (par exemple), ou changer d’alimentation.

Hier encore nous étions, de cœur, avec les gilets jaunes car un salaire doit subvenir au minimum vital. Aujourd’hui, les avoir vus et entendus, subis, confrontés, nous désolidarise totalement de leur mouvement : un crachoir qui ratisse large, le signe que beaucoup n’en peuvent plus, certes, mais le changement ne viendra pas en emmerdant des concitoyens qui, eux, ont peut-être fait des choix.

Après avoir perdu 2h sur des nationales (où l’autoroute nous aurait pris 40 minutes), encore un barrage à Sisteron. Les voitures des gilettistes que nous voyons parquées sur les côtés ne sont pas franchement des modèles « pauvres » ; un homme dans la cinquantaine nous aborde, il veut nous demander combien de temps nous avons passé dans la file. Il conteste vivement notre « demi-heure » et nous traite de menteurs ; le ton monte, nous expliquons que ce n’est pas en nuisant à la population qu’ils s’attireront de la sympathie ; il nous dit qu’il est patron d’une petite entreprise de 15 employés, et qu’il est là « pour eux », parce que leur smic n’est pas suffisant, que lui il roule en Maserati (sic). Monsieur, puisque vous roulez en Maserati votre bénéfice doit être appréciable ! Pourquoi ne pas payer vos employés 100€ de plus par mois, ce qui fera par ailleurs monter vos charges et baisser vos impôts ?

Les arguments sont vains. Les gilettistes simplement « curieux » nombreux, les jeunes en besoin de contestation aussi. Bref. Tout cela ne vole pas très haut et encore une fois les seuls que les gilettistes perturbent sont leurs pairs, qui bossent et ont des obligations, des rendez-vous. Les élus se fichent pas mal de ces barrages. Ils ont leurs hélicos !

Nous ne sommes pas français mais ne sommes pas pour autant à la fête. Pour ma part, j’ai deux jobs (9h-21h) pour boucler le mois.

Donc les gilets jaunes... Ayez un discours, un sens, visez les bonnes cibles, révisez vos comportements, et FICHEZ LA PAIX à vos concitoyens et autres gens de passage dans votre beau pays.

Rappelez-vous que dans les voitures que vous bloquez il y a des travailleurs, des professionnels de la santé, des enfants, des malades, des animaux, des gens qui ne vous ont rien fait et que vous contraignez dans leur journée, via un abus de pouvoir manifeste et certainement illégal, avec des conséquences que votre révolte personnelle vous empêche de voir. Mais vous n’êtes pas seuls au monde.

Encore un barrage à Laragne... Nous roulons depuis 4h, le double du temps nécessaire pour ce trajet. Nous devions rouler 6h... À quelle heure arrivera-t-on ? Épuisés nous nous sommes travestis et avons déployé notre gilet jaune sous le pare-brise, dans le seul espoir de passer plus vite. Que vous êtes leurrés, chers gilettistes, de croire que tous les pauvres gens qui font pareil vous soutiennent ! Reflet de la bêtise du mouvement... Une pensée enfin pour les routiers qui font leur job, un arrêt prolongé pour eux peut avoir des conséquences fâcheuses (horaires de route, itinéraires interdits aux poids lourds et vous leur bloquez l’autoroute !, logistique s’ils ont un relai, ou transportent du frais !).

Votre mobilisation est adolescente, et nombriliste. Vous croyez vous mobiliser pour le bien commun, mais c’est tout faux. C’est en respectant son prochain qu’on oeuvre pour le bien commun (et nous sommes athées).