En réalité,
Ghosn a fait une erreur énorme, mais ce n’est pas celle qu’on croit (à mon avis et sous toute réserve).
Schweitzer avait
bâti une Alliance d’une grande finesse, fort de l’expérience de son échec avec
Volvo.
Ghosn était l’homme
de la situation (Schweitzer : « sans lui, je ne l’aurai pas fait »).
Ghosn sauve
Nissan de la faillite. Grand succès médiatique au Japon. Ghosn, c’est Napoléon
au Japon.
L’Alliance
va de succès en succès jusqu’à devenir avec Mitsubishi le 1er
constructeur mondial en volume de véhicules produits. Une belle cible pour tous
les prédateurs mondiaux. Ils sont en embuscade.
Ghosn se
fait sacrer Empereur du groupe Renault-Nissan (cf. Napoléon).
Sur la
longue durée, les Japonais constatent que Renault (auquel Ghosn est assimilé,
malgré un management plutôt favorable à Nissan) est beaucoup plus petit et
assez peu global (Renault ne vend pas aux Etats-Unis et peu en Chine, les deux
plus grands marchés mondiaux), et que l’Alliance devrait logiquement être dirigée
par un Nissan.
Marre de cet Empereur issu de Renault. Son arrogance (mais aussi
son savoir faire et son talent d’industriel
en appui de son arrogance) rendent cette inversion des rôles assez pénible,
sentiment qui se répand dans le personnel Nissan.
Et puis
Ghosn veut noyer Nissan dans une sorte d’UE automobile, avec à sa tête un
président. La fusion des 3 constructeurs ne convient pas à la majorité chez
Nissan qui, maintenant rétabli, veut retrouver son identité propre et faire ses
preuves en son nom propre.
C’est je
crois à ce stade que Ghosn n’a pas senti qu’il fallait changer l’architecture
de l’Alliance et faire que les 44/15 soient changés en 50/50. Et que le ciment
de l’Alliance doit être le win win réciproque (sur les achats, les organes, les
moteurs) et non plus le rapport de forces actionnarial (sans compter la
présence de l’Etat français dans l’Alliance, particulièrement pénible pour
Nissan, comme pour Volvo à l’époque).
Et qu’il fallait une gouvernance
collégiale respectant vraiment l’identité de chacun pour cet ensemble des 3
constructeurs. Le Napoléon automobile devait s’effacer. Il ne l’a pas vu, pas
senti, et s’il l’a vu il n’a pas réagi assez tôt, c’est là je crois son
immense bourde sans compter son défi à l’hyperpuissance en Iran. Et il a tout perdu, tombant dans un piège que son hybrys ne lui a pas permis de déjouer.
Il est vrai
que les Japonais ne sont pas des tendres, qu’ils sont très difficiles à
décrypter, et qu’on ne voit pas venir la tempête jusqu’au jour où ça pète. Et
là, ça secoue très fort. On y est. C’est Waterloo.