En hommage à Anne Dufourmantelle et ceux qui malgré tout essaie d’entendre cette colère mais sont bien impuissants. Deux mois avant sa dramatique disparition, la psychanalyste et philosophe, Anne Dufourmantelle, accordait le 15 mai 2017 au journal Libération une interview intitulée : « La perversion du langage empêche de sortir de la colère sociale. »
À la question : mais là, nous sommes passés dans la haine, au-delà de la colère ? Elle répond : la colère reste une pulsion de vie. Il s’agit pour un sujet de tenter de faire entendre quelque chose qui lui apparaît légitime. Elle est liée au manque de reconnaissance. Avant qu’il y ait réparation, il doit y avoir reconnaissance. Pour désarmer une colère, il faut d’abord prendre en compte d’où l’autre parle et reconnaître sa parole comme légitime, même si celle-ci est dans l’erreur. Tant que cette position n’est pas reconnue, il ne peut y avoir de dialogue et de résorption de la colère. Puis, plus loin : quelle est la limite de la colère ? Réponse : quand on ne parvient pas à sortir de la colère, elle peut se transformer en une pulsion de destruction, destruction de l’objet ou destruction d’autrui ou d’atteinte à sa propre intégrité physique. L’objet de la colère est alors vu comme menaçant la survie de l’individu ou du corps social. C’est la transformation de la colère en rage. Enfin : comment peut-on dépasser sa colère ? Elle précise : on en sort par le langage, le dialogue avec l’autre pour obtenir la reconnaissance de la légitimité de son point de vue. Et là, nous nous heurtons à une difficulté pratiquement insurmontable dans notre société, c’est la perversion du langage. C’est moins des expressions que le sens des mots qui est retourné ou dévoyé (…)