ADDENDUM
L’admirable performance de Macron Ier me rappelle une page célèbre des Lettres persanes de Montesquieu, touchant à l’infinie crédulité des peuples.
"Le roi de France est le plus puissant prince de l’Europe. Il n’a
point de mines d’or comme le roi d’Espagne son voisin ; mais il a plus
de richesses que lui, parce qu’il les tire de la vanité de ses sujets,
plus inépuisable que les mines. On lui a vu entreprendre ou soutenir de
grandes guerres, n’ayant d’autres fonds que des titres d’honneur à
vendre ; et, par un prodige de l’orgueil humain, ses troupes se
trouvoient payées, ses places munies, et ses flottes équipées.
D’ailleurs ce roi est un grand magicien : il exerce son empire
sur l’esprit même de ses sujets ; il les fait penser comme il veut. S’il
n’a qu’un million d’écus dans son trésor, et qu’il en ait besoin de
deux, il n’a qu’à leur persuader qu’un écu en vaut deux,
et ils le croient. S’il a une guerre difficile à soutenir, et qu’il
n’ait point d’argent, il n’a qu’à leur mettre dans la tête qu’un morceau
de papier est de l’argent, et ils en sont aussitôt convaincus. Il va
même jusqu’à leur faire croire qu’il les guérit de toutes sortes de maux
en les touchant, tant est grande la force et la puissance qu’il a sur
les esprits.
Ce que je te dis de ce prince ne doit pas t’étonner : il y a un
autre magicien plus fort que lui, qui n’est pas moins maître de son
esprit qu’il l’est lui-même de celui des autres. Ce magicien s’appelle
le pape : tantôt il lui fait croire que trois ne sont qu’un ; que le
pain qu’on mange n’est pas du pain, ou que le vin qu’on boit n’est pas
du vin, et mille autres choses de cette espèce"
Lettres persanes — XXIC — Rica à Ibben