Au delà de cette bataille de chiffres, de statistiques et de démonstrations en tout genre, il y a une question que je me pose depuis le début concernant ces 80 km/h. Si nous sommes en démocratie, est-ce que les citoyens de ce pays sont encore en droit de choisir la société dans laquelle ils veulent vivre ?
Je ne parviens toujours pas à comprendre comment, dans une société dite démocratique, une mesure qui suscite un tel rejet (86% des Français, dernier chiffre en date) ait pu voir le jour. Je me sens d’autant plus floué que nous parlons d’une mesure qui ne figurait pas au programme du candidat Macron, portée par une personne (Edouard Philippe) qui ne figurait pas plus dans l’organigramme de l’équipe de campagne...
Avant même de vouloir prouver je ne sais quelle efficacité de la mesure, la question essentielle est pour moi avant tout celle-là : quand il y a un Choix à faire, les Français sont-ils toujours maîtres de ce choix ? Il est bien question de choix dans cette affaire des 80 km/h, il est en effet question de dosage entre la liberté et la sécurité (sur la route). Peut-on encore discuter de l’endroit où on peut mettre le curseur, ou bien la sacro-sainte « sécurité » sonne comme un argument d’autorité ? Je suis très perplexe, quand j’entends les arguments des officiels de la sécurité routière, qui, si je résume, consistent à dire que le moindre mort sur la route (ne serait-ce qu’un par an) justifie la mise en place de toute sorte d’arsenal répressif, quel qu’il soit. Et pourtant, je suis moi-même un de ces usagers de la route qui quelque part risque sa vie comme tout un chacun dès qu’il prend le volant.
Ma circonspection ne fait que prendre de l’ampleur quand j’entends, derrière, d’un côté des représentants officiels nous dire qu’il faut se donner une chance d’évaluer la mesure au bout de deux, et de l’autre, un Emmanuel Barbe (représentant officiel) prononcer sa conclusion avant ladite évaluation. Selon lui, pas de doute, « les 80 km/h fonctionnent ». Ca promet pour tous ceux qui espèrent une analyse des chiffres partiale. Chiffres auxquels n’importe quel esprit de mauvaise foi est capable de faire dire ce qu’il veut.
A titre personnel, j’ai été pour de nombreuses mesures de sécurité routière qui ont été mises en place. Lorsque Sarkozy a fait mettre les premiers radars automatiques en 2003, j’étais également pour. Mais à force de voir les ayatollah de la sécurité routière tirer sur la corde, à coups de durcissements de mesures et de multiplications de radars à n’en plus finir, leurs discours ont finit par m’insupporter. Et c’est d’autant plus insupportable pour moi que je roule énormément, à l’étranger (je vis en Belgique) comme en France. En France, je ne fais que constater une multiplication des radars pièges dans des zones non dangereuses (en bas des descentes en lignes droites sans patelin dans les environs), ainsi que des limitations de vitesses complètement inadaptées (basées sur des normes et des réglementations, et non liées aux réalités du terrain, en témoigne des voies limitées à 70 où il faudrait être suicidaire pour dépasser le 50 et d’autres limitées à 70 où on pourrait rouler à 90 sans aucun danger, je peux fournir des liens streetview sur demande pour étayer).
Cet empilement de mesures dites sécuritaires, lesquelles ne font qu’amplifier la pression sur les automobilistes depuis une quinzaine d’année, vont finir, un jour, par me pousser dans les bras du premier candidat populiste qui proposera de lâcher du lest sur ces mesures. Tout simplement parce qu’en poursuivant dans cette direction, car il y a plus de limites, aujourd’hui c’est 80 km/h, demain ce sera 70 km/h, puis 60 km/h, puis 20.000 radars dans toutes la France, puis 40.000, puis 60.000... on nous a déjà mis récemment des sociétés privées mitrailleuses à PV... On arrête quand le matraquage, soit-disant au nom des vies humaines sauvées ?