La pièce de Bernard-Henri Lévy a
laissé perplexe ce journaliste allemand.
En tournée dans les grandes métropoles
du continent pour plaider la cause de l’Union européenne avant le
scrutin fin mai, BHL n’échappe pas à la critique sarcastique des
intellectuels d’outre-Rhin, comme dans cet article paru dans Der
Spiegel :
Quelque part au milieu du deuxième
acte, l’acteur BHL perd soudain le fil. Il bégaie, bute sur les
mots, incapable de retrouver le bon. Il bredouille, cafouille, se
corrige mais il est déjà trop tard. Son élan est brisé,
son discours affaibli.
Un monologue ne souffre aucune erreur.
Sous la lumière des projecteurs, le
charme du Français s’évapore alors qu’il se jette à corps
perdu dans la langue de Shakespeare - mais ne parvient qu’à
produire un sabir trahissant ses origines. Il tend son ordinateur
portable à une assistante, reçoit en échange un manuscrit qu’il
feuillette nerveusement avant de le jeter dans un coin. Il poursuit.
Mais le charme est rompu entre
l’orateur et son public – la salle prétendument comble du
théâtre royal Carré d’Amsterdam dont les 1 700 places ne
sont manifestement pas toutes occupées. Les chuchotements se
transforment en murmure. Des spectateurs commencent à se diriger
vers la sortie.
Mais que fait l’homme sur la scène ?
Il jette des livres dans une baignoire.
“Wagner et Mozart, Siegfried et don Giovanni, dans la baignoire !
Bethsabée, Charlotte Corday, Asia Argento, Madeleine, dans la
baignoire ! Tout le monde dans la baignoire !”, s’écrie-t-il
avant d’y plonger lui-même dans son costume noir. Cela fait partie
de la mise en scène. Il reste ainsi pendant un moment, comme un
Marat avant l’assassinat, puis continue : “Où en
étais-je ?” Les vêtements dégoulinants, il sort de la
baignoire et reprend son monologue.
Les spectateurs quittent à présent la
salle par petits groupes. La représentation a basculé. Sur scène,
l’homme continue de tempêter. Comme un caniche mouillé.
Le lendemain matin, Bernard-Henri Lévy
est encore tout ébouriffé par la déconfiture de la veille. Costume
frais, portable chargé et barbe grise, il affiche une mine fatiguée.
“Vous avez vu ? Le cauchemar de tous les acteurs : je
n’avais plus de texte !”
Le téléprompteur, dissimulé dans son
ordinateur portable, avait rendu l’âme.
https://www.courrierinternational.com/article/culture-la-piece-de-bernard-henri-levy-laisse-perplexe-ce-journaliste-allemand