• AgoraVox sur Twitter
  • RSS
  • Agoravox TV
  • Agoravox Mobile


Commentaire de Séraphin Lampion

sur Les chrétiens dans al-Andalus par Rafael Sanchez Saus


Voir l'intégralité des commentaires de cet article

Séraphin Lampion Séraphin Lampion 15 juin 2019 11:31

Le terme « mozarabe désignait des personnes qui, n’étant pas Arabes à l’origine, cherchaient à le devenir ou se donnaient l’apparence de l’être. En al-Andalus, la partie de l’Espagne et de l’Occitanie dont la ville de Montpellier) sous domination islamique, l’usage du terme « mozarabe » pour désigner les chrétiens n’est pas attesté par les sources, qui préfèrent employer les termes dhimmi (se référant à leur statut juridique de «  protégés »), nasâra (chrétiens), ou ‘agâm (non-arabes). Par contre, dans l’Espagne du nord, de culture latine, « mozarabe » désignait des chrétiens imprégnés de culture arabe.

L’histoire des Mozarabes a été liée aux reconstructions de l’identité hispanique par les historiens, dans un affrontement idéologique où se jouaient la relation de l’Espagne chrétienne avec l’islam, la question de la continuité de l’identité espagnole et chrétienne ou de la rupture instaurée par la conquête musulmane, rupture entre l’Espagne des Wisigoths et les royaumes chrétiens qui sont nés de la Reconquête.

Le mythe de la résistance continue des chrétiens « mozarabes  » à l’islam s’est élaboré au 16e siècle, alors que le cardinal Cisneros, archevêque de Tolède, restaurait la liturgie mozarabe : les Mozarabes incarnaient cette Espagne qui pouvait se targuer de sa « pureté de sang », n’ayant pas été mélangée aux musulmans ni aux juifs. On redécouvrait l’histoire des martyrs de Cordoue, ces chrétiens mis à mort dans les années 850 par les émirs omeyyades. Dans cette optique toujours vivante, la domination islamique est perçue comme une parenthèse douloureuse dans l’histoire de l’Espagne chrétienne, une période d’occupation qui s’est achevée avec la Reconquête et l’expulsion des musulmans d’Espagne en 1502-1526.

À l’inverse, les philosophes du 18ème siècle qui dénonçaient le fanatisme de l’Église catholique, préféraient voir dans la domination islamique une période de tolérance : les martyrs de Cordoue furent alors considérés comme des fanatiques qui avaient refusé d’accepter la civilisation arabe, pourtant supérieure.

 Au tournant du 19e siècle, par un nouveau retournement de l’interprétation historique, l’orientaliste Francisco Javier Simonet, dans son Historia de los Mozarabes en España (1897-1903) a vu dans les Mozarabes une communauté héroïque qui, sous la domination musulmane, avait farouchement conservé la religion et l’identité latine et wisigothique. Les martyrs de Cordoue apparaissaient à nouveau comme les héros de la lutte contre l’islam, des résistants de l’intérieur, de « vrais Espagnols, fidèles à leur religion et à leur patrie ».

Par la suite, les travaux et les débats des historiens ont porté sur la survie de la culture latine et d’une langue souterraine «  espagnole », le caractère superficiel de l’arabisation de la péninsule Ibérique ou encore le rôle des mozarabes dans la transmission de la culture arabe à l’Espagne du nord.

L’histoire est trop souvent utilisée comme une arme sur un ring politicien, et les combattants ne reculent pas devant le recours aux falsifications.


Voir ce commentaire dans son contexte





Palmarès