« Quand un homme
d’une cinquantaine d’années, parlant parfaitement le français, nous dit, au
cours d’un conversation sur la scolarisation et l’enseignement, qu’en Algérie,
il y a deux langues, l’arabe et l’anglais, il dit deux choses claires : il
affirme une identité, il est arabe (en réalité d’origine chaouia) et musulman
(il nous demande peu après ce que nous pensons de l’islam), rejette le
tamazight pourtant officiellement reconnu, - langue de la division ? - et la
langue française, langue du colonialisme, encore enseignée et utilisée
largement, au profit de la langue anglaise... »
Merci d’avoir restitué ce témoignage très instructif qui me
permet de constater que les choses ont peu évolué depuis 1970, date à laquelle
j’étais coopérant à Batna.
J’étais prof de lettres à l’école normale d’instructeurs (section
francophone), et travaillais sur mon mémoire de maitrise de linguistique
portant sur le trilinguisme et le contact des langues. Les Aurès et la Kabylie
font partie de ces quelques zones (comme le Luxembourg belge) où la population
est trilingue, une des trois langues étant la langue maternelle (familiale) d’une
partie de la population, et les deux autres parlées par tout le monde. En l’occurrence,
il s’agissait du berbère Chaouïa, du Français et de l’Arabe. J’avais remis un
questionnaire à mes élèves pour l’exploiter statistiquement, et la première
question était : quelle langue parlez-vous dans les réunions familiales.
00% ds réponses indiquaient : l’Arabe. Ce qui était faux, puisque ces
étudiants étaient en section « francophone » et la plupart ne
parlaient pas du tout arabe, même s’il comprenaient le dialecte algérien, sabir
comparable au « globish » parlé dans les anciennes colonies anglaises
et servant d’espéranto à la population.
Résultat : questionnaire inexploitable.
Depuis, je me méfie des sondages, mais je me méfie aussi de
déclarations comme celles de cet homme de cinquante ans qui ditce qu’il pense
qu’il faut dire et non pas ce qui est.