@jmdest62
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L’Union européenne multiplie les accords bilatéraux de
libre-échange, en toute opacité. C’est l’analyse et le point de vue de
l’association foodwatch qui défend les droits des citoyens consommateurs
à plus de transparence dans le secteur alimentaire et à l’accès à une
alimentation saine. A quelques jours des élections européennes,
l’organisation dénonce les dérives de la politique commerciale en Europe
et saisit la Cour constitutionnelle en Allemagne contre l’accord de
libre-échange entre l’Union européenne et Singapour (EUSFTA). Pour une «
Europe qui protège » véritablement, il faut de toute urgence suspendre
le CETA et ses cousins et réinjecter transparence, démocratie et justice
sociale et environnementale en Europe. Explications.
Le Secrétaire d’Etat auprès du Ministre de
l’Europe et des Affaires étrangères, Jean-Baptiste Lemoyne, a présenté
ce mardi 21 mai 2019 au Comité de suivi de la Politique commerciale un
point d’étape sur le CETA et d’autres accords de libre-échange. Cette
réunion rassemblait les fédérations de l’industrie et des organisations
de la société civile.foodwatch en a profité pour remettre le poing sur la table en réclamant
la suspension du CETA et des derniers accords négociés par l’UE. Le 16
mai 2019, foodwatch a porté plainte auprès de la Cour constitutionnelle
en Allemagne avec ses partenaires Mehr Demokratie et Campact contre
l’accord de libre-échange entre l’Union européenne et Singapour
(EUSFTA).« Nous avons besoin plus que jamais d’une Europe avec plus de
transparence et de démocratie et d’une politique commerciale qui
n’écrase pas du pied les droits des citoyens, la justice sociale et
environnementale. Une Europe qui résiste aux lobbies des
multinationales. Mais c’est tout le contraire d’une « Europe qui protège
» avec le CETA et ses cousins », dénonce karine Jacquemart, directrice de foodwatch France. « L’entêtement
d’Emmanuel Macron et ses partenaires européens pour cette forme de
libre-échange forcené et négocié sans débat démocratique fait le lit du
repli sur soi et des mouvements populistes contre l’Europe. C’est
irresponsable ».« Des droits pour les peuples, des règles pour les multinationales »
Voilà le mot d’ordre d’une coalition de plus de 150 organisations de 16
pays européens, dont foodwatch, pour exiger des dirigeants européens de
mettre fin au système de justice d’exception dont bénéficient les
entreprises multinationales et d’introduire des réglementations
contraignantes pour qu’elles respectent -enfin ! - les droits humains et
l’environnement.Les risques de ces accords de libre-échange de nouvelle génération, qui
considèrent à peu près tout comme des barrières au commerce à supprimer
ou à contourner, y compris les normes sociales et environnementales,
sont en effet bien connus : pour la protection des droits sociaux, des
consommateurs et de l’environnement, l’agriculture et l’alimentation.
Ces traités prévoient en effet des mécanismes qui se traduiront par un
gel des réglementations, voire une impossibilité de les améliorer alors
même qu’elles ont encore besoin d’être renforcées en ce qui concerne la
protection de la santé, la transparence de l’étiquetage (Nutri-score),
les pesticides, les OGM, etc.
La plupart du temps, ce type d’accords a un objectif simple : réduire
les droits de douane afin de stimuler les échanges commerciaux. Mais le
CETA et ses cousins vont plus loin : l’enjeu est de s’attaquer aux
autres « obstacles au commerce », c’est-à-dire les différences de normes
et standards. Le problème est que cela ne concerne pas seulement les
normes techniques, mais aussi les réglementations qui protègent
l’environnement, les droits sociaux ou encore les consommateurs. Ces
accords vont beaucoup plus loin que les questions de commerce et auront
de fait un impact durable sur notre vie quotidienne.Comment ? Ces accords mettent en danger la capacité de nos institutions
démocratiques à décider librement de politiques d’intérêt général. Les
exemples ci-dessous s’appuient sur les cas du CETA et du TAFTA, mais
sont très largement valides pour la plupart des accords actuellement
négociés par l’UE, comme le révèle l’étude de foodwatch et PowerShift
publiée en février 2018 «
Le commerce à tout prix ? », qui examine les projets d’accords avec le Mercosur, le Japon, le Mexique, le Vietnam, l’Indonésie.
- Le
principe de précaution,
une « barrière commerciale à éliminer » ? En Europe, un simple soupçon
de nocivité, s’il est fondé, suffit à faire interdire un produit, ou un
procédé. Aux Etats-Unis et au Canada, en revanche, un aliment peut
rester sur le marché tant que sa dangerosité n’est pas prouvée. Or ce
principe n’est absolument pas garanti ni dans le texte du CETA, ni dans
les autres projets d’accords étudiés.
- Le règlement des différends entre investisseurs et Etats : la
possibilité offerte aux entreprises étrangères d’attaquer les Etats
devant des tribunaux d’arbitrage, au motif que des décisions politiques
affecteraient leurs bénéfices, réels ou attendus, est une véritable épée
de Damoclès. La simple menace de poursuites risque de dissuader les
pouvoirs publics d’adopter de nouvelles règlementations concernant par
exemple la santé publique et bien sûr l’alimentation.
- La coopération règlementaire : décider de normes communes pour les
clignotants de voitures, pas de problème. Mais là encore, CETA et TAFTA
vont beaucoup plus loin, avec un nouveau processus en dehors des
circuits habituels de prise de décision démocratique. Aux commandes ? Un
« forum » ou « comité » de personnes non élues qui auront voix au
chapitre sur les règlementations décidées après l’adoption des traités.
Le CETA met en place plus de dix comités... et les autres projets
d’accords étudiés prévoient eux aussi des comités aux larges pouvoirs
sans contrôle démocratique adéquat.Si ces accords aboutissent en l’état, le risque est grand que
l’harmonisation des normes relatives à la protection des consommateurs
et de la santé induise un nivellement par le bas et bloque la
possibilité de renforcer ces niveaux de protection. Pour foodwatch, la
perte de souveraineté règlementaire pour les Etats et l’UE est
préjudiciable à la démocratie.« Le CETA […] entraîne inévitablement des incertitudes et des risques »
C’est une des conclusions du rapport de la Commission Schubert mandatée
par Emmanuel Macron qui est on ne peut plus clair sur ces risques : Il
précise que « les biotechnologies [c‘est-à-dire les OGM] constituent
également un point qui nécessite de la vigilance ».Le Gouvernement s’était alors engagé à plus de transparence et à
s’assurer que soient pris « en compte les enjeux sanitaires et de
développement durable dans les accords commerciaux ». Or l’Union
européenne continue à négocier des accords qui présentent toujours les
mêmes dangers, sans garantie pour le principe de précaution européen, la
protection des droits sociaux ou même celle de l’environnement et de la
planète.90% du texte du CETA est déjà mis en œuvre et avancent les traités avec
le Japon (le JEFTA a été adopté le 12 décembre 2018), Singapour (adopté
par le Parlement européen le 13 février, le Vietnam, l’Indonésie, le
Mexique, le Mercosur (Brésil, Argentine, Paraguay, Uruguay), etc.
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