@jmdest62
Suite et fin
Le poids des lobbies
Ces traités ouvrent grand la porte à l’influence des lobbies, dès la
phase d’élaboration des nouvelles réglementations. Ainsi, ils auront
officiellement leur mot à dire avant même que les élus nationaux et
européens, représentants des citoyens, ne soient consultés. Tout cela
est rendu possible par la « coopération réglementaire ».Sur le papier, cette coopération entre l’Union européenne et ses
partenaires (Canada pour le CETA) semble inoffensive. Il s’agirait
simplement de s’entendre pour éliminer au maximum les entraves au
commerce et aux investissements. « Coopérer » sur les règlementations
pour éviter des coûts inutiles, ou des doublons administratifs
injustifiés, pourquoi pas ? Il parait sensé d’harmoniser la couleur ou
encore la taille des clignotants des voitures de part et d’autre de
l’Atlantique.Sauf que cela va beaucoup plus loin. La coopération règlementaire
garantit aux lobbies un accès à l’élaboration des règlementations et
projets de lois. Ils seront consultés, pourront faire des commentaires
et exiger des réponses - mécanisme appelé «
notice and comment » outre
Atlantique - en amont du processus. Leur rêve : pouvoir freiner ou même
bloquer de nouvelles règles et être quasiment corédacteurs des
nouvelles lois. La Chambre de commerce des Etats-Unis a d’ailleurs
qualifié la coopération règlementaire de « cadeau qui ne cesse de rapporter gros ».La Commission européenne promet que les standards ne seront pas bradés,
et que les normes en vigueur en Europe ne seront pas abaissées.
Pourtant, l’expérience d’une coopération transatlantique volontaire ces
dernières années laisse présager du pire après la mise en œuvre de CETA
et TAFTA (voir à ce sujet
le rapport de l’ONG Corporate Europe Observatory).
De toute évidence, la coopération réglementaire dépassera largement
l’harmonisation des clignotants. L’objectif est bien plus ambitieux :
éliminer un maximum de « barrières non tarifaires » au commerce,
c’est-à-dire de différences législatives. En d’autres termes les
standards divergents, tels que le principe de précaution ou les règles
sociales et environnementales, comme par exemple l’interdiction des OGM
ou du bœuf aux hormones. Or si les lois ne sont pas identiques entre le
Canada, les Etats-Unis et l’Union Européenne, c’est parce que nos élus
ne prennent pas des décisions identiques.Ces processus, et le rôle de plus d’une dizaine de comités dans
l’exemple du CETA, auront lieu en dehors des circuits habituels de prise
de décision démocratique. Pour les mettre en œuvre, les comités et un «
forum » de coopération réglementaire réunissant des représentants
commerciaux non élus pourra prendre des décisions sur les
réglementations, en discussion avec les acteurs concernés, en
particulier les lobbies industriels. Un système « d’alerte précoce »
permettra que l’autre partie (le Canada dans ce cas) soit informée et
consultée dès la phase de projet et de rédaction d’une nouvelle
réglementation, c’est-à-dire avant que les parlementaires ne soient
consultés.
Comment est-il prévu d’aplanir ces différences entre les règles ?
Plusieurs possibilités : l’harmonisation, c’est-à-dire décider d’une
nouvelle règle commune, et la reconnaissance mutuelle - admettre des
règles différentes comme équivalentes. Le principe de la coopération
réglementaire s’appliquerait en continu, dès l’adoption de l’accord.
C’est ce qu’on appelle des accords « vivants ». Ainsi, des groupes de
travail sectoriels se chargeraient de manière permanente d’analyser les
législations actuelles et futures à l’aune de leur impact sur le
commerce transatlantique.La commission d’experts missionnée par le Gouvernement en juin 2017
pour analyser les risques sanitaires et environnementaux du CETA
souligne : « Le CETA est un accord dit vivant. […] Son contenu sera
précisé et complété par les institutions de coopération qu’il crée », ce
qui « entraîne inévitablement des incertitudes et des risques »
(Extrait du rapport page 5)
(Source : foodwatch nov.2018).Plus de transparence et de débat démocratique.Foodwatch appelle donc au gel des négociations en cours et à une
révision de la politique commerciale afin de la rendre compatible avec
les exigences sociales et environnementales européennes et mettre en
place une nouvelle politique commerciale européenne.Les échanges internationaux doivent en premier lieu tenir compte de
l’intérêt général des populations, au lieu de satisfaire avant tout les
intérêts des multinationales. Or le CETA et les accords de libre-échange
examinés dans l’étude « Le commerce à tout prix ? » ne respectent pas
ce critère fondamental. Au contraire, ils risquent de compromettre les
normes de protection existantes et de saper les initiatives pour les
renforcer dans le futur. Ces négociations doivent donc être interrompues
et l’Union européenne se doit de développer une nouvelle politique
commerciale qui donne la priorité aux droits des populations et
consommateurs. Source :
http://www.up-magazine.info/index.php/securite-alimentaire/securite-alimentaire/8683-les-accords-commerciaux-internationaux-menacent-ils-nos-choix-democratiques