Cette approche de la nature est en fait très récente et date
du courant littéraire naturaliste, de DH Lawrence à Zola.
Auparavant, la nature était considérée comme le monde sauvage
qu’il fallait domestiquer pour les animaux, cultiver pour les plantes et
civiliser pour les hommes. La nature, c’était la jungle.
Dans « La Maison du berger », Vigny décrit une
nature sinon hostile, du moins indifférente aux destinées et à la sensibilité
humaines :
Elle me dit : « Je
suis l’impassible théâtre
Que ne peut remuer le
pied de ses acteurs ;
Mes marches d’émeraude
et mes parvis d’albâtre,
Mes colonnes de marbre
ont les dieux pour sculpteurs.
Je n’entends ni vos
cris ni vos soupirs ; à peine
Je sens passer sur moi
la comédie humaine
Qui cherche en vain au
ciel ses muets spectateurs.
« Je roule avec dédain,
sans voir et sans entendre,
À côté des fourmis les
populations ;
Je ne distingue pas
leur terrier de leur cendre,
J’ignore en les
portant les noms des nations.
On me dit une mère et je suis une tombe.
Mon hiver prend vos
morts comme son hécatombe,
Mon printemps ne sent
pas vos adorations.
« Avant vous j’étais
belle et toujours parfumée,
J’abandonnais au vent
mes cheveux tout entiers,
Je suivais dans les
cieux ma route accoutumée,
Sur l’axe harmonieux
des divins balanciers.
Après vous, traversant
l’espace où tout s’élance,
J’irai seule et
sereine, en un chaste silence
Je fendrai l’air du
front et de mes seins altiers. »