Vous avez entendu parler de Globke ?
Non ?
En 1949, le juriste Hans Maria Globke a fait son entrée à la
nouvelle chancellerie allemande dans le sillage de Konrad Adenauer dont il est
rapidement devenu l’éminence grise. Il occupait un bureau voisin du sien. Tout
ce qui était important passait par lui. Chef de la chancellerie fédérale de
1953 à 1963, catholique fervent comme Adenauer, il était son plus proche
collaborateur, le serviteur dévoué et discret chargé des dossiers les plus
délicats, des affaires réservées, de la surveillance de la CDU, des enveloppes
de billets à recevoir ou à distribuer, et
des rapports avec les services secrets américains. Ces derniers le connaissaient
bien, puisque Globke était entré en 1929 au ministère de l’intérieur d’Allemagne
comme juriste. Il a été le rédacteur des ordonnances raciales de 1936, le
spécialiste des critères permettant de dire qui était juif et qui ne l’était pas.
Son manuel juridique spécialisé qui a fait autorité pendant toute la période
nazie était un mode d’emploi déterminant
le droit de vie ou de mort.
Jürgen Bevers et Bernhard Pfletschinger, ont réalisé un
documentaire qui raconte le destin de cet homme « très souple », adaptable.
Il fallait quand même un certain savoir-faire pour transposer toutes ces horreurs
dans un contexte juridique, et c’était la spécialité de Globke qui a su
également se montrer irremplaçable auprès d’Adenauer et de la CIA, qui l’ont
protégé à plusieurs reprises, faisant disparaître des documents, empêchant en
particulier que son nom ne soit prononcé au procès d’Adolf Eichmann à
Jérusalem. Eichmann avait pourtant écrit en prison quarante feuillets
impliquant directement Globke. Il ne comprenait pas pourquoi il était condamné
à mort alors que Globke, un autre artisan de la solution finale était devenu un
des personnages les plus importants de la nouvelle Allemagne.
En 1963, Adenauer et Globke sont partis à la retraite en
même temps. Ces deux hommes ont
travaillé ensemble plusieurs heures par jour pendant plus de dix ans. Globke
souhaitait finir sa vie en Suisse, mais les autorités helvétiques n’ont pas
voulu de lui à cause du fameux manuel.