@Giordano Bruno
Dans « L’histoire confisquée de la destruction des Juifs
d’Europe » paru aux PUF en 2016, Georges Bensoussan analysé la façon dont est
utilisée la mémoire de la Shoah, à tort et à travers, la façon dont elle gêne l’appréhension
du présent, et en quoi son instrumentalisation (anglicisme sans équivalent,
désolé !) est contre-productive dans la lutte contre l’antisémitisme..
Comme l’avait dit Pierre Nora : « l’Etat fait du travail
historique un acte politique ». Comme la Troisième République a exploité la
Révolution française, le « nouveau monde » érige ce massacre en événement
culturel et historique dans la littérature, les revues d’histoire, la peinture,
le cinéma etc., ce qui le dénature, l’édulcore, la rend supportable et produit
l’effet inverse de ce qui est recherché. Cette surabondance de commémorations
pourrait faire penser que l’Europe a pris la pleine mesure de la catastrophe,
mais pour G. Bensoussan, cela a permis de mieux la nier.
Maintenant, en plus d’être accusé d’être un peuple de
milliardaires, de propriétaires des médias, en train de conspirer en
permanence, les Juifs sont perçus comme voulant s’octroyer le monopole de la
souffrance et de l’empathie. « Le culte
mémoriel de la Shoah fait ainsi converger concurrence sociale et concurrence
mémorielle pour nourrir de concert un puissant ressentiment antijuif », écrit-il
: faire de la Shoah une religion civile s’est retournée contre elle-même, au
point de devenir un nouveau facteur d’antisémitisme, un nouvel argument de
violence contre les juifs.
Pour lui, il faut écarter l’approche moralisatrice et
compassionnelle car « la compassion de la
violence ne protège pas de la violence, mais elle incite à une agression
nouvelle…/… Avant de parler des juifs
morts, parlons des juifs vivants, car le judaïsme est en perpétuel mouvement ».