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Commentaire de Alexandre Gerbi

sur Eclairage sur le cas Dominique Sopo : entre duplicité, lâcheté et tartufferie, au service du Système


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Alexandre Gerbi Alexandre Gerbi 24 février 2020 19:09

@Daniel PIGNARD

Pour la plupart, les « colonies » n’ont pas « repris leur indépendance », comme vous dites, mais ont été larguées par Charles de Gaulle ; elles se sont vu imposer, par lui, l’indépendance (d’ailleurs le plus souvent fictive...), au prix de multiples subterfuges et violations de la Constitution (depuis l’affaire gabonaise, en 1958, jusqu’à.la Loi 60-525, en 1960).

Par ailleurs, les « colonies », comme vous dites, n’en étaient plus : elles étaient devenues, en 1946, des « Territoires » de l’Union française, puis, en 1958, des « Etats » associés dans la Communauté française, ou plutôt franco-africaine.

Quant aux Africains, ils étaient déclarés Français depuis 1946, avec un statut, certes, inégalitaire, mais sur le papier ils étaient bel et bien déclarés citoyens français : c’est d’ailleurs à ce titre que la plupart des leaders subsahariens ne réclamaient pas l’indépendance mais entendaient pousser ce processus à son terme, c’est-à-dire jusqu’à l’égalité complète, meilleur moyen de mettre un terme au colonialisme.

Les Français ont eu leur mot à dire : lors du référendum du 28 septembre 1958, ils ont approuvé à 80% la nouvelle Constitution, qui faisait des Arabo-Berbères d’Algérie, pour la première fois, des Français à part entière (46 députés arabo-berbères trouvèrent place sur les bancs du Palais Bourbon entre 1958 et 1962).

Mais De Gaulle fit l’exact contraire de ce qu’il avait annoncé. Au lieu de bâtir l’unité égalitaire franco-africaine, il poussa d’abord, voire accula, l’Afrique noire à l’indépendance (1958-1960, à l’exception de Djibouti et des Comores). Cela fait, il liquida l’Algérie française dans un bain de sang. Abusés par la propagande d’Etat, les Français ont naïvement approuvé un référendum d’autodétermination (1962) dans une Algérie où l’ALN, entrée dès avant l’indépendance avec la bénédiction de De Gaulle et équipée par lui, s’empressa de semer la terreur et de massacrer les partisans de la France, sous l’oeil impavide de l’armée française dûment reprise en main après le putsch avorté d’avril 1961. C’est dans ce conditions très spéciales que les Algériens approuvèrent l’indépendance par 99,72% de voix. Je vous laisse apprécier ce chiffre...

Ceci étant dit, vous êtes bien sûr parfaitement en droit de partager les vues de De Gaulle et de la majorité des élites politiques hexagonales de l’époque. Vous êtes en droit de passer par pertes et profits les 130 ans d’histoire commune avec l’Algérie et un peu moins avec l’Afrique noire (et bien davantage concernant le Sénégal, français depuis le XVIIe siècle). Vous pouvez sans problème oublier les soldats arabo-berbères et subsahariens morts pour la France en 1914-1918 et 1939-1945. Vous pouvez tenir pour négligeables les écrivains africains qui ont voué un culte passionné à la langue française et lui ont offert de magnifiques pages de sa littérature. Vous pouvez parfaitement, aussi, juger les Africains comme définitivement étrangers à la France pour des raisons civilisationnelles, culturelles, religieuses, voire raciales : après tout, c’est pour cela que la deuxième Ve République a bazardé l’Afrique noire et l’Algérie, et je ne sache pas qu’aucun des successeurs de De Gaulle ait jamais désavoué ni dénoncé ce choix et ses motifs.

Au contraire, Macron y compris, tous tressent au Général des couronnes de lauriers et le présentent comme un génie. Il faut croire que larguer 95% du territoire de la République et les deux tiers de sa population (et bien davantage à terme...) au nom de critères civilisationnels, religieux ou raciaux, ou encore pour des raisons de gros sous, est donc génial. Même si dans les faits, soixante-dix ans plus tard, l’état général de la France, de l’Afrique et de l’Algérie n’en apportent qu’une démonstration assez discutable...

Enfin, merci de ce rappel des paroles de la sublime Marseillaise : De Gaulle, soutenu en coulisse en 1958 par la CIA et le Département d’Etat contre la promesse de démanteler l’ensemble franco-africain, Algérie comprise, après avoir entourloupé en profondeur l’armée et le peuple de France, peut s’y reconnaître.

Ceci étant dit, bien sûr, vous avez parfaitement en droit d’adhérer à la fable selon laquelle le Général fut toujours haï par les autorités états-uniennes, et indépendant d’elles, comme c’est si souvent répété à la télé.


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