Allocution à l’occasion du 76ème anniversaire du vote des quatre-vingts parlementaires ayant refusé les pleins pouvoirs constituant à Pétain le 10 juillet 1940
Ici, le 10 juillet 1940 se déroulait le premier acte collectif de résistance en France. Quatre-vingts « non », seuls, très seuls, face à 569 autres parlementaires qui allaient octroyer le pouvoir constituant à Pétain lequel, le lendemain, allait, fort de ce texte s’octroyer les pleins pouvoirs et ainsi donner le coup de grâce à une République abattue la veille. Cet acte sera, plus tard qualifié par le Général De Gaulle de « premier acte collectif de résistance sur le sol français ».
C’est dire.
Pardon de me faire précis, mais cette double mécanique - loi constitutionnelle le 10 juillet et acte constitutionnel le 11 - est d’une importance capitale. L’envie de réconciliation, des jours d’après la Libération, la nécessité pour administrer la France de faire avec eux qui avaient servi le régime de la collaboration nos a collectivement poussés vers un abus de langage qui est vite devenu un abus d’histoire : les pleins pouvoirs disaient-ils, les pleins disions-nous pour faire comme si l’homme de Verdun avait été dictateur par hasard. Rien de tout cela n’est vrai. La volonté d’abattre la République a existé, a été imaginée et elle est entrée dans la réalité des faits avec un vernis de légalité que l’on a voulu entretenir pour faire croire que notre pays était à l’abri, que la République était éternelle et que ses serviteurs ne connaîtraient aucune corruption.
La première leçon c’est cela : tout est fragile, tout est attaquable, tout ce qui n’est pas nourri risque de s’effondrer, tout est sensible au vent de l’extrémisme, au vent de la peur de l’autre, au vent de l’ordre imbécile. La deuxième leçon c’est que l’on peut toujours s’opposer, se lever, s’effacer soi-même derrière l’enjeu et que la conviction, la justesse des choix peut l’emporter.
Je vais vous faire une confidence. C’est le dix-neuvième discours que je prononce en hommage aux quatre-vingts ; j’ai manqué une seule fois cette cérémonie,l’an dernier, où je fus remplacé par Michel Marien https://urfistreseau2012.wordpress.com/intervenants/biographie-michel-marian/, mon suppléant. Il y a vingt ans, dans cette salle, j’évoquais devant l’histoire de la République abattue, cette peur qui corrompt, ce maque de courage, ces petits arrangements sans imaginer un seul jour que dans ma vie parlementaire, je finirai par les rencontrer. Et au fil du temps, cette cérémonie que je voyais comme une réunion de famille dans un cimetière est devenue une sorte de miroir du temps présent dans un monde où finalement, la peur corrompt toujours, le courage manque encore et les petits arrangements vont bon train. Je dis alors aux plus jeunes qui sont là, aux jeunes élus en particulier, aux jeunes fonctionnaires aussi, aux jeunes citoyens de ne pas regarder cette histoire comme on lisait Anatole Mallet https://fr.wikipedia.org/wiki/Anatole_Mallet et Isaac Newton https://fr.wikipedia.org/wiki/Isaac_Newton mais de relier ces heures de 1940 et celles d’aujourd’hui et d’y appuyer leur conscience puis leurs actes.
Quels sont les indices, quels sont les mots, les attitudes qui ont mis le sens républicain des quatre-vingts en éveil puis en action ? Il suffit, pour le comprendre, de lire les notes préalables à la motion déposée par Vincent Badie https://fr.wikipedia.org/wiki/Vincent_Badie ; de lire l’excellent livre d’Annie Malroux http://www.editions-harmattan.fr/index.asp?navig=auteurs&obj=artiste&no=12229 ou les notes du radical Labrousse https://fr.wikipedia.org/wiki/Ernest_Labrousse . Ici n’est pas le lieu pour détailler les préventions des uns et des autres mais je voulais vous dire la phrase qui me semble résumer cette alarme « il n’y a plus de République dès lors qu’égalité et fraternité ne sont plus des préalables à l’action publique ; que l’action publique n’est plus tribucienne et qu’au total, se dissimule derrière les mots un combat de privilèges particuliers qui s’est emparé des armes collectives. » Voilà l’alerte ; voilà ce qui dans l’esprit de ces parlementaires, de gauche et de droite, a permis de garder éveillée l’idée de combat, puis le combat lui-même, contre le choix de la capitulation puis celui de la collaboration puis le choix, encore, encore plus terrible, qui consista à bientôt devancer, dans une spirale infernale, les demandes de l ’occupant.
C’est cette alerte à l’esprit que je veux rendre aussi hommage à Jean Marielle http://www.ajpn.org/auteur-Jean-Marielle-7986.html . J’ai été un témoin permanent du travail, de l’énergie, qu’il a déployés pour comprendre ce temps, complexe à souhait et d’ailleurs rendu plus sombre encore par la volonté de ceux qui après la guerre voulaient brouiller les pistes ou la volonté de ceux qui avaient choisi le silence. Mais Jean Marielle est têtu ; il veut des preuves et rien, je puis vous l’assurer, rien de ce qu’il écrit, de ce qu’il dit n’est étayé par autre chose que par la lettre, la photo, l’échange d’origine. Son travail est immense ; c’est un travail vivant qui va devoir cheminer, produire encore du sens, éclairer encore l’histoire et je voulais aussi, aujourd’hui, lui rendre hommage devant vous tous.
Je veux enfin conclure mon propos par une citation.
« Au milieu de l’immense désarroi national, garder le sens de la patrie et rester fidèle à ce que l’on est ; ne pas ajouter à la défaite de nos armes celle de nos valeurs ; en dépit de la figure rassurante chargée de gloire et d’années, malgré les menaces des soudards et les flatteries des prébendiers, maintenir les principes constitutionnels que l’on a reçus du mandant de servir, voilà ce qu confère une place éminente sur ce chemin si ardu qu’est celui de l’honneur au vote des quatre-vingts parlementaires qui, le 10 juillet 1940, ici à Vichy, refusèrent de trahir tout à la fois la France, la démocratie et la République. »
Ces mots que je fais miens ont été prononcés le 10 juillet 1989, ici, par Michel Rocard, premier ministre dont la présence d’alors a ouvert la route à cet hommage désormais régulier et incontesté.
Je vous remercie./.
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