@Laconique
Que nenni !
La figure de l’albatros, l’oiseau géant qui voyage au-dessus
des mers et observe les marins, est le symbole du poète lui-même, considéré
comme l’oiseau du bon augure, ainsi que le poète, dont la naissance est inscrite
dans un plan providentiel. Mais, comme tous les prophètes et les manifestations
du divin sur la terre, l’albatros et le poète ne sont pas acceptés par les hommes
: ils deviennent objets de dérision et la moquerie abaisse leur grandeur. La
poésie elle-même empêche le poète de vivre dans le monde dont le navire est le
symbole, dans ce monde de la prose, où le poète n’est pas capable de marcher,
parce qu’il sait seulement voler, c’est à dire écrire en vers. Il est donc vu
comme objet ridicule dans un monde d’hypocrites, sans aucun courage, qui ne
peut pas reconnaître l’élu, faible désormais sur la terre.
Toujours pour Baudelaire (qui a quand même marqué notre
imagerie symbolique), le cygne est le symbole des exilés et, loin de son lac ne
trouve aucun réconfort. C’est par excellence le symbole de la beauté et la
pureté, avec son « blanc plumage », et s’il
transcende sa propre animalité (« ses pieds palmés », son « cou convulsif » ou
« sa tête avide ») par sa grâce quand il nage, il a la nostalgie du paradis
perdu.
Il ne faut pas tout mélanger. La difficulté à s’intégrer et
la douleur de l’émigré coupé des siens et de son univers, ça n’est pas la même
chose, quel que soit le diamètre du rachis.