L’oeuvre de Françoise Sironi est encore une fois essentielle ici. Elle a pris en charge la réhabilitation de torturés. Les premiers étaient en provenance de Haïti. Puis elle s’est attelée à la réhabilitation de tortionnaires (des grecs du temps de la dictature des colonels, par exemple), qui eux aussi étaient des avariés, savamment avariés par leurs chef bourreaux.
Avec les torturés, le coup de Freud ça ne marche pas, ni aucune des ruses et fraudes des freudiens. Il faut mouiller sa chemise, enquêter activement pour retracer l’intentionnalité du tortionnaire, pour avoir enfin les moyens de contrer cette intentionnalité.
En face d’une anorexique qui cherchait à gagner encore une bataille contre tout psychiatre, Serge Hefetz se montra étonnamment brutal, soulignant la stratégie de son persécuteur interne, ou plutôt l’internalisation de persécuteurs externes. Il a par exemple souligné que grâce aux persécuteurs, son vagin asséché n’était plus fonctionnel, que sa féminité était biffée et neutralisée. Et cette femme revint quelques mois plus tard, ayant cessé de ne faire qu’un avec son persécuteur interne.
Un gros trou est frappant dans le récit fait par « klrbos » : zéro regard des autres, ou regard méprisant et hostile : « la peur, le dégoût ». C’est pour le moins erroné. Là encore, le persécuteur internalisé a fait oeuvre de geôlier. Il y a un pervers internalisé à contrer, à réussir à contrer.
Je ne suis certainement pas le seul à avoir le regard attiré par la minceur d’une femme, même si cette minceur est excessive, anorexique — voire due à une maladie génétique rare, ça arrive aussi. Certes les carences en progestérone, en vasopressine, en ocytocine sont encore là, et l’assèchement du vagin restreint fortement les pratiques sexuelles, mais il en demeure de délicieuses, parfaitement accessibles, tout à fait capables d’amorcer et fonder une relation durable et féconde.