@microf
Suite du Discours de Sékou Touré á De Gaule le 25 Août 1958 a Conakry
" Á travers le désordre moral dû au fait colonial et à travers les
contradictions profondes qui divisent le monde, nous devons taire les
pensées idéales afin de serrer au plus près les possibilités réelles,
les moyens efficaces et imrnédiatement utilisables ; nous devons nous
préoccuper des conditions exactes de nos populations afin de leur
apporter les éléments d’une indispensable évolution, sans laquelle le
mieux-être qu’elles prétendent légitimement obtenir ne pourrait être
créé. Si nous ne nous employions pas à cette tâche, nous n’aurions
aucune raison de vouloir remplir les fonctions dont nous avons la
charge, aucun droit à la confiance de nos populations. C’est parce que
nous nous interdisons de confisquer à notre profit la souveraineté des
populations guinéennes, que nous devons vous dire sans détour, Monsieur
le Président du Conseil, les exigences de ces populations pour qu’avec
elles, soient recherchées les voies les meilleures de leur Emancipation
totale."
Le privilège d’un peuple pauvre est que le risque que courent ses
entreprises est mince, et les dangers qu’il encourt sont moindres. Le
pauvre ne peut prétendre qu’à s’enrichir et rien n’est plus naturel que
de vouloir effacer toutes les inégalités et toutes les injustices. Ce
besoin d’égalité et de justice nous le portons d’autant plus
profondément en nous, que nous avons été plus durement soumis à
l’injustice et à l’inégalité. L’analyse logique et une connaissance de
plus en plus grande de nos valeurs particulières, de nos moyens
potentiels, de nos possibilités réelles nous laissent cependant exempts
de tout complexe et de toute crainte : nous sommes uniquement préoccupés
de notre avenir et soucieux du bonheur de notre peuple. Ce bonheur peut
revêtir des aspects multiples et des caractéristiques diverses selon la
nature de nos aspirations, de nos désirs, selon notre état propre ; il
peut être aussi bien une chose unique qu’un faisceau de mille choses,
toutes également indispensables à sa réalisaton. Nous avons, quant à
nous, un premier et indispensable besoin, celui de notre Dignité. Or, il
n’y a pas de Dignité sans Liberté, car tout assujettissement, toute
contrainte imposée et subie dégrade celui sur qui elle pèse, lui retire
une part de sa qualité d’Homme et en fait arbitrairement un être
inférieur. Nous préférons la Pauvreté dans la Liberté la Richesse dans
l’esclavage. Ce qui est vrai pour l’Homme l’est autant pour les sociétés
et les peuples. C’est ce souci de Dignité, cet impérieux besoin de
Liberté qui devait susciter aux heures sombres de la France les actes
les plus nobles, les sacrifices les plus grands et les plus beaux traits
de courage. La Liberté, c’est le privilège de tout homme, le droit
naturel de toute société ou de tout peuple, la base sur laquelle les
Etats Africains s’associeront à la République Francaise et à d’autres
Etats pour le développement de leurs valeurs et de leurs richesses
communes."