Imaginons qu’au 19e siècle le philosophe Jean
Dupont publie une thèse dans laquelle il demande qu’on tue ceux qui se moquent
de la République. Peu de temps après le philosophe Pierre Durand en fait un
livre qui amplifie l’exigence. Puis le philosophe Jacques Dubois améliore
encore la présentation des bonnes raisons qui la soutiennent. La presque
totalité du pays est enfin convaincue, et il se crée des associations demandant
que soit officiellement sacralisé ce juste projet de tuerie afin qu’il ne
puisse jamais être remis en cause, ce qui est fait.
Un siècle et demi plus tard, agacé de constater qu’on ne fait
que répéter le juste principe sans passer à l’action, des descendants des
premières associations se rendent au principal journal qui se moque de la République
et, en 2015, massacrent la totalité de la rédaction. Puis ils vont, dans une
salle de spectacle, massacrer une centaine de jeunes qui applaudissent
n’importe quoi au lieu de chanter en chœur les merveilles de la République,
puis…
Cette progression inquiète un peu le Président. Il rassemble alors, dans
une commission chargée d’y réfléchir et
de proposer un moyen de la stopper, les cent philosophes les plus reconnus du
moment. Ceux-ci travaillent très sérieusement et ils arrivent à cette
conclusion unanime : il faut garder sacrée la juste croyance, et continuer
de l’enseigner dans les écoles de la République.
On en est là ? Non, bien sûr, puisqu’ici la croyance criminogène
est athée, et puisque cette histoire est de pure imagination.