En 1860, le physiologiste allemand Friedrich Leopold Goltz est
parti en quête du lieu où réside « l’âme de la grenouille » (« Der Sitz der Seele
des Frosches » en v. o.).
Un jour, il en a décérébré
une et l’a placée dans un bac d’eau qu’il fait chauffer. L’animal a à peine
tremblé quand la température a atteint 37,5 degrés, mais n’a pas bronché. A 42
degrés, elle est morte. « La grenouille
décérébrée s’est laissée bouillir lentement, sans bouger », a commenté le
chercheur. Il en a conclu que, sans
cerveau, il y a des réflexes,
mais pas de sensations conscientes : pas d’âme.
Mais quand l’écho de ces essais a atteint les journaux et le
café du commerce, une omission s’est glissée dans le compte-rendu : on a oublié
de mentionner la lobotomie de l’amphibien qui, à l’époque, s’appelait encore « batracien »,
et une sorte de proverbe reflétant la sagesse des nations en est sortie, qui
dit à peu près : « Plongez une
grenouille dans une casserole bouillante : elle s’échappera. Placez-la dans
l’eau froide et chauffez à petit feu : elle s’habituera aux variations de
température et restera tranquille jusqu’à se retrouver bouillie. Ainsi en
va-t-il de nous autres humains : si l’on ne perçoit pas le mal qui s’installe
par petites touches, on s’en accommodera jusqu’à l’irréparable… ».
Eh ben là, c’est pareil, on oublie toujours de nous dire qu’avant
de nous confiner et de nous mpasquer, on avait commencé par nous décérébrer !