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Commentaire de Jacques-François Bonaldi

sur Philippe Val prend-il du service à la Maison Blanche ?


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Jacques-François Bonaldi (---.---.137.179) 13 mai 2006 02:40

Chaque fois que j’entre (et je le fais) très peu sur des forums Internet, j’en ressors chaque fois en courant : tout y finit toujours, non en queue de poisson, mais en crêpage de chignon, et le débat conclut généralement dans le bourbier. (Un des points pour moi le plus rédhibitoire, c’est que tout se fait la plupart de temps sous couvert d’anonymat.)

J’ignorais ce site, et suis tombé sur ce texte à travers CSP. Je l’ai donc lu là, mais le dernier paragraphe m’a donné envie d’en savoir plus. On se dit à la lecture : « Tiens, voilà quelqu’un qui a compris un certain nombre de choses », et on s’en réjouit. Il y a bien des analyses fort légères sur les rapports de force en Amérique latine, mais bon, après tout, on lit tant de choses sur les médias qu’un peu plus un peu moins...

Mais quand on tombe sur le dernier paragraphe, là, l’intelligence du prof de philo d’Arles (j’ai lu la biographie) part en capilotade : on a droit aux gros clichés de « dictature castriste », de « graves violations des droits de l’homme », et on se dit que non, ce monsieur n’a rien compris ! Et c’est assez contradictoire : comment quelqu’un qui semble être capable de nuances sur certains points peut-il faire un tel blocage sur d’autres, et nous sortir en guise de conclusion ces poncifs éculés ? Qui sont évidemment dans l’air et font partie de ces « universaux » censément consensuels que nul ne peut jamais remettre en cause, à l’instar de ces catégories de la pensée médiévale.

Surtout après avoir lu voilà deux jours l’éditorial du Monde sur les élections au nouveau Conseil des droits de l’homme, d’une outrecuidance coloniale bouffie d’une bonne conscience archiblindée, ou le titre de l’Express où les dirigeants cubains sont qualifiés rien moins que de « bourreaux » !

Juste le jour où, sans le savoir, Cuba faisait un pied de nez à tous ces détracteurs prétentieux : en effet, on apprenait hier, au cours du Premier Congrès international de génétique communautaire, que 53 enfants (35 sourds profonds et 18 sourds-aveugles)avaient bénéficié d’une pose d’implants par chirurgie non invasive, qui sont des espèces de dispositifs électroniques externes qui permettent de capter le son de l’environnement et de le traduire en impulsions électroniques sur le nerf auditif, parce que leur surdité est si profonde que les appareils classiques ne servent à rien et que c’est là la seule manière de tenter de les raccorder au monde extérieur. Bien entendu, ces opérations ultra-sophistiquées et onéreuses n’ont pas coûté un sou aux familles concernées (tiens, je me demande : ce genre d’opération en France est-il remboursé à 100% par la Sécurité sociale ?)

Alors, voyez-nous, M. Elie Carasso, c’est ce genre de « droit de l’homme » qu’il faut prendre en charge avant tout dans le tiers monde, et quelques bons milliards d’êtres humains, parmi les couillonnés de l’Histoire, seraient sûrement ravis d’avoir une telle « dictature » au pouvoir et qu’on leur « viole » un peu de cette manière leurs droits !

Et quand on constate - autre exemple tout récent, puisque le vingtième anniversaire en a été tout proche - que Cuba a été le seul pays au monde, sans se payer de mots comme tant de gouvernements européens riches, à avoir organisé depuis 1990 un programme de traitement intégral des petites victimes de Tchernobyl et accueilli à ce jour plus de 20 000 enfants et adolescents ukrainiens, russes et biélorusses, sauvant la vie de beaucoup d’entre eux ou la leur rendant dignes d’être vécue, ne lésinant sur aucun traitement et aucune opération, si coûteux qu’ils soient, ou alors que, de nouveau sans se payer de mots ou faire de vaines promesses comme les mêmes d’un peu plus haut, plus de 2 000 médecins cubains ont pendant six mois soigné plus de 1 200 000 Pakistanais sur les contreforts de l’Himalaya, là où la plupart de gens ne savait même pas à quoi ressemblait un médecin, et qu’en repartant, ils ont laissé sur place leurs quarante hôpitaux de campagne dotés d’équipements dernier cri, et je pourrais vous citer des tas et des tas d’exemples comme celui-ci, je me dis, M. Elie Carasso, - et c’est assurément ce que je dirais au directeur de L’Express : « Si seulement il y avait plus de « régimes bourreaux » comme celui de Cuba ! Notre monde serait sûrement moins cette jungle sans pitié où l’on se déchire entre gens d’une même nation et entre nations. »

Mais pour ça, pour le comprendre, il faut sortir des clichés et ne pas supposer à priori que le système politique inventé en Occident et imposé au canon au reste du monde est le nec plus ultra en la matière, et que le fin du fin en matière des droits de l’homme sont la liberté de la presse et celle d’expression, parce que je suppose que c’est à ça que vous faites allusion et qui - j’irai jusqu’au bout de ma pensée, même si elle vous fait grincer des dents - sont presque à la limite des luxes superflus de riches quand on voit comment on vit ailleurs que dans cet îlot d’abondance qui a nom Europe et ses marges.

Voyez le monde sous un autre angle, sortez de votre Hexagone (en pensée) et surtout, si vous voulez un peu mieux comprendre les choses comme elles vont dans le tiers monde, autrement dans le monde dépendant qui assure de son sous-développement le développement de l’Occident et de sa pauvreté la richesse des pays métropoles, évitez-vous de marcher à votre tour dans les gros sabots d’une pensée à laquelle sa bonne conscience métropolitaine interdit à tout jamais de se poser les questions adéquates.

Au moins, vous, posez-vous celle-ci, ne serait-ce qu’une seconde : mais est-ce vraiment une dictature ? Et allez-y voir de plus près !

Jacques-François Bonaldi (La Havane)


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