@oncle archibald

C’est tout de même marrant, cette manie de croire que la toponymie d’une majorité de lieux en France émanerait des racines chrétiennes du pays, alors qu’à l’évidence l’origine et les conséquences du culte de dulie me semble un tantinet plus complexe.

Récapitulons...

Nous ne reviendrons pas sur l’adroite façon avec laquelle de rusés margoulins surent profiter de la peur de la mort de leurs coreligionnaires pour, au cours des siècles inventer et transformer les religions...et s’en mettre plein les fouilles au passage...

Examinons, plutôt, par exemple, la situation aux temps de l’empire romain et donc, avant la naissance du christianisme. La grande majorité de la population est composée d’agriculteurs... Or, rien n’est plus aléatoire que la pratique agricole : les variations du climat, les guerres, les rapines, peuvent en un instant transformer une récolte prometteuse en une probable famine, synonyme de mort pour l’agriculteur et sa famille. Les escrocs religieux sévissant à l’époque l’ont bien compris, et polythéisme aidant, ont à leur disposition quantité de petits dieux thaumaturges...

Le pécore :

-« O grand prêtre la récolte de blé sera-t-elle abondante et les barbares vont-ils brûler ma ferme comme l’année dernière ? »

Le grand-prêtre :

-« Dépose une offrande à Cérès et une à Vesta....... »

-« Les dieux te seront favorables... va en paix... Et on oublie pas mon p’tit cadeau, sinon pas de protection »

Ca c’était la situation avant que ces balourds de chrétiens n’inventent :le monothéisme, le cortège d’incompréhension qu’il entraîna et, partant, le manque à gagner pour ses zélés serviteurs...

-"Comment-ça ...pas le moindre petit dieu spécialisé à prier" ?

-"Y’aurait qu’un seul gazier pour s’occuper de tout le monde, alors qu’avant

y-z’étaient cinquante ???Il va jamais y arriver tout seul"...

L’église catholique dut réagir... Elle le fit, comme souvent, avec une cynique efficacité, et dans la foulée inventa (ou recycla d’autres croyances) le culte des reliques et celui des saints (concile de Trente)...

Et donc à la satisfaction générale et par une sorte de décentralisation mystique.... on put enfin prier des dieux locaux... comme avant... Et bien sûr comme d’habitude dans ce genre de situation, les surenchères firent rage....

-"Comment nous « les-ceusses-qui-habitent-à-la-lisière-de-la-forêt » peut-on avoir de meilleures récoltes que « les-ceusses-qui-habitent-vers-la-rivière »" ???

-"Y-a-t-il une façon plus payante pour plaire aux dieux que les offrandes qu’on fait déjà à saint Troufignon et à sa relique sacrée (un poil de sa sainte raie du cul)".

Les escrocs religieux eurent encore une fois l’idée qui fait mouche :

-"Dédions notre village à notre saint, ainsi, il est certain qu’il exaucera nos vœux et changera les terres des « ceusses-qui-habitent-vers-la-rivière » en marécage infertile"

Et c’est ainsi que par unique appât du gain et avec comme seule référence les précédentes pratiques polythéistes « le village-à-la-lisière-de-la-forêt » devint Saint-Troufignon et que quelques mois plus tard, le « village-vers-la-rivière » qui vénérait un nommé saint Tarin et sa célèbre et miraculeuse crotte de nez devint, vous l’aurez deviné, Saint-Tarin-sur-rivière .

Le résultat de ces dévotions, s’ils n’améliorèrent en rien les récoltes de deux cités, eurent au moins le mérite de faciliter la tâche des fabricants de panneaux routiers et de rasséréner Zemmour et ses sbires quant aux racines chrétiennes du pays ...

Ah elles sont belles les racines chrétiennes....