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Commentaire de C’est Nabum

sur La foire aux fromages


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C'est Nabum C’est Nabum 23 mars 2021 17:45

@Jjanloup

Pour le cochon je vous en paie une tranche en cadeau

Un sacré tour de cochon.

La foire primée.


Il était une fois une ferme dans les bois sur les hauts de Sully-sur-Loire. La terre n’était guère favorable à la culture : elle était acide, couverte de fougères et de châtaigniers. Les sols produisaient tout juste de quoi nourrir les gens et les bêtes. On avait pourtant compris le parti qu’on pouvait tirer d’un pareil environnement en engraissant les meilleurs cochons de toute la région.


C’était surtout madame Courtois qui se chargeait de la besogne : préparer chaque jour une bouillie riche et variée, faite de tout ce qui pouvait se manger. Le cochon est le roi des omnivores, il fait gueule de tout ce qui lui passe sous le groin. Quand en plus, on y ajoute châtaignes et noisettes, mûres et baies sauvages, sa chair se parfume et prend mille et une nuances qui enchantaient les gourmands de l’époque.


La pauvre dame avait bien du mérite. Son mari n’était pas souvent à l’ouvrage ; du moins à celui qui devrait occuper un homme honnête. Il avait la fâcheuse habitude de courir le jupon, de coiffer de cornes la tête des hommes du canton, pour peu qu’ils aient une femme à son goût. Partout il se murmurait qu’il n’y avait pas plus beaux cochons que ceux de madame Courtois et pas plus cochon que son maudit époux.


Les malheurs des uns ne font jamais qu’entretenir la médisance des autres. En la circonstance, les maris grugés évitaient de crier sur tous les toits les travers que leur faisait subir l’ignoble vaurien. Les femmes trop volages ne s’en vantaient pas plus. Elles apprenaient bien vite que leur larron pour beau parleur et formidable étalon qu’il fût, n’était qu’un cœur d’artichaut et changeait de pouliche à la première occasion.


Une fois l’an, à Sully, il y avait une foire primée et chaque mois, un marché aux cochons. La place était alors la « Mecque » de la truie et du verrat. On accourait de partout pour acheter les meilleurs reproducteurs, les plus jolis cochons de lait, les meilleures mères. Mais jamais, ô grand jamais, on n’avait encore songé à organiser un concours du plus beau cochon. Ce fut, cette année-là, chose faite à l’initiative de Monsieur le Sénateur, un notable de la ville, amateur de bonne chère et par conséquent de bonne chair,


Le concours fut annoncé une année à l’avance, il fallait que chacun puisse se lancer dans la préparation du plus beau spécimen : un champion du lard élevé dans les meilleures conditions, nourri des mets les plus riches qui soient. Quand ce concours fut connu, beaucoup se gaussèrent de l’idée tout en se lançant dans le plus grand secret à l’engraissage, le plus fastueux possible, d’un goret choyé comme un coq en pâte.


Chez les Courtois, monsieur se soucia comme de sa dernière liquette de la fièvre qui gagnait ses collègues éleveurs. Lui, à franchement parler, n’avait jamais considéré le cochon comme un animal digne d’intérêt. Il avait pourtant une tendresse particulière pour les truies : on ne se refait pas ! C’est donc sa femme, en cachette de son coureur de bonhomme, qui se mit en tête d’être celle qui emporterait le trophée mis en jeu. C’était enfin pour elle une occasion de briller pour autre chose que la terrible réputation qui collait à ses basques.


Elle fit tant et si bien que son champion : un certain Duduche, grossit comme jamais un cochon n’avait grossi dans le pays. Il était gros à ne plus pouvoir se tourner dans sa souille ; ses cuisses promettaient des jambons énormes. Pour lui éviter de ne faire que du lard, madame Courtois prit l’habitude de le promener en laisse, deux fois par jour, pour raffermir les chairs et lui ouvrir un peu plus l’appétit.


Sa ferme était assez isolée pour que nul ne se moquât de ses pratiques. Elles auraient éveillé la curiosité et sans doute l’imitation chez quelques adversaires, tout aussi désireux d’emporter la victoire. La compétition provoque des jalousies, des suspicions et des risques de triche. Rien n’est nouveau sous le soleil. Son Duduche avait fière allure : jamais elle n’avait connu un verrat aussi trapu, aussi bien charpenté, au port de tête si altier et aux oreilles à faire pâlir un éléphanteau.


à suivre



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