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Commentaire de Laconique

sur Sommes-nous tous des Hobbits ?


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Laconique Laconique 27 mai 2021 16:21

@Gollum

Oui, tout cela est passionnant. Inépuisable. L’article de Cairn est très instructif. Je ne nie pas la richesse conceptuelle de l’œuvre de Tolkien, sa pertinence en tant que dénonciation de notre société. Quant à son rapport au catholicisme, c’est un domaine que je n’ai absolument pas voulu aborder dans l’article, précisément pour éviter ce genre de débat. C’est pourquoi j’ai pris Homère comme point de comparaison.

Dans tout ce que vous écrivez, je retrouve vraiment le point de fracture entre vous et moi. Vous relevez – à juste titre – une continuité dans le monde de Tolkien entre la nature et la société, continuité qui a été brisée par le monde moderne corrompu. Mais précisément, toute la Révélation biblique vient briser cette continuité à laquelle aspiraient les civilisations traditionnelles. Et Tolkien, en voulant rétablir cette continuité « traditionnelle » se démarque en réalité de la Révélation biblique. Je vous cite un passage vraiment fondamental de L’Ethique de la liberté de Jacques Ellul :

« Il y a une unité de l’homme à la nature, l’homme est dans cette nature. Il lui appartient. Il est dans la lignée des animaux – et de la même façon l’homme est inclus dans la société : il ne se distingue pas d’elle. (…) Il y avait une continuité entre Nature-Société-Homme. Or, ce qui est annoncé dans l’Ancien Testament, c’est précisément la négation de cette continuité. Ce qui est annoncé, c’est que le monde dont l’homme s’est entouré est destiné à s’effondrer parce que ce n’est pas à cela que Dieu a appelé l’homme. (…) Or, tout ce que l’Ancien Testament annonçait a été accompli, réalisé, vécu une fois pour toutes par le Christ. Il est alors vraiment le signe de contradiction qui provoque toutes les ruptures. L’unité créée par l’homme dans sa société est rompue, parce qu’elle est rétablie avec Dieu. La continuité entre la nature et l’homme est brisée, parce que l’homme retrouve sa place de créature unique destiné à diriger cette création qui lui est remise comme objet. La souffrance et la mort ne sont plus ou niées ou mythisées, mais regardées en face, assumées par Dieu même ; acceptées comme grâce et promesse. (…) Christ est vraiment la présence du Dieu terrible dont on dit que s’il met le pied sur la terre, les montagnes éclateront, les fleuves se tariront, les collines s’effondreront, la terre se fendra… Ces images sont réelles : la présence du Christ au milieu des hommes a littéralement fait éclater les relations humaines, les institutions, les États, les groupes. Tout ce que l’homme avait civilisé, normalisé, unifié (dans la séparation d’avec Dieu) est remis en question, tout apparaît esclavage là où on disait ordre, contrainte là où on disait paix, injustice là où on disait droit, mensonge là où on disait religion, faux-semblant là où on disait nature, illusion là où on disait dieux. Ainsi la présence du Christ rend la vie de cet homme parfaitement invivable, la civilisation radicalement viciée, la société complètement intenable. Une seule chose subsiste, c’est l’amour. »

Il en résulte que, pour un chrétien, il n’y a pas d’équilibre à trouver avec le monde, avec la nature. La vie chrétienne est proprement invivable, et vous n’avez pas fait faute de me le rappeler ici lors de nos nombreux échanges. C’est un paradoxe auquel le chrétien est confronté, et lui seul, puisque le non-chrétien s’intègre toujours dans une morale mondaine qui lui sert d’oreiller et qui l’intègre à la société : par exemple l’écolo-socialisme à la Cabanel. Bref, tout cela nous entraîne bien loin du propos de l’article. Mais c’est vraiment ce qui distingue, selon moi, le monde de Tolkien tel que vous me le décrivez – le monde traditionnel – d’une position authentiquement chrétienne basée sur la Révélation biblique.


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