@Gollum
J’ai cité
le passage d’Ellul car il illustre parfaitement en quoi le
christianisme est incompatible avec la tripartion traditionnelle de
Dumézil, ou ses équivalents, que vous dites trouver chez Tolkien.
Pour le christianisme il ne peut pas y avoir de répartition
ontologique entre une caste sacerdotale, une caste royale, etc. Il
n’y a que des hommes, le roi est jugé comme un autre, les
fonctions sont extérieures à l’être et ne préjugent en rien de
sa nature, c’est la célèbre phrase de Paul dans Galates 3:28. On
peut juger ça bien ou mal, stupide ou libérateur, là n’est pas
la question, je voulais juste mettre en évidence qu’une telle
vision de l’ordre de la société n’est pas chrétienne.
Le christianisme est une
religion de la fin des temps. Un ordre de la société est nécessaire
pour vivre. Or le chrétien doit toujours vivre comme si l’Epoux
allait revenir cette nuit même, « à l’heure où l’on s’y
attend le moins ». Il n’y a dans la doctrine chrétienne
aucune théorie de la société, ce n’est pas un édifice projeté
sur des siècles comme les admirables constructions sociales
indiennes ou égyptiennes. Et c’est ce que vous ne comprenez pas.
On ne peut pas reprocher au christianisme de n’avoir pas donné
naissance à une société harmonieuse, puisque ce n’est absolument
pas le but qu’il s’est fixé. On en revient toujours là avec
vous, c’est votre point Godwin. Le christianisme répond à des
apories propres aux écritures juives, et dont les textes les plus
récents de l’Ancien Testament se font l’écho (Job), il ne
dialogue pas avec la société, il ne considère pas les problèmes
sous un angle social, tout cela est venu ensuite. Le christianisme
historique est autre chose, il a été très souvent en avance sur
son temps, il ne s’est jamais totalement confondu avec le pouvoir
pour lequel il a souvent représenté un « caillou dans la
chaussure », mais c’est là une tout autre question. Vous,
comme Evola, comme Guénon, vous placez le christianisme en
concurrence avec l’hindouisme, etc., en tant que spiritualité, en
tant que modalité d’organisation de la société, en tant que
matrice pour un homme accompli. Le christianisme n’est ni l’un ni
l’autre. C’est dire à quel point le propre de la Révélation
chrétienne vous est devenu étranger. Le Christ libère du péché,
c’est tout. Il est évident que quand on n’a pas le sens du péché
tout cela est complètement absurde...