@Mélusine ou la Robe de Saphir.
Chère Mélusine,
ne vous méprenez surtout pas.
Vous n’êtes nullement exclue, chose que je ne me permettrais pas.
Vos textes et mystérieuses correspondances m’intéressent vivement.
Je les lis avec plaisir.
Il est rare que l’on évoque le Merveilleux de Mabille.
J’ai longtemps lu et relu Pierre Mabille jusqu’à ce qu’un amateur un peu « indélicat » m’emprunte ce beau livre qui n’est jamais revenu.
Simplement, l’actualité est fugitive.
Restons sur le sujet avant qu’il ne s’évanouisse, remplacé par d’autres événements.
Et puisque nous explorons les Barricades Mystérieuses, en voici de superbes :
https://youtu.be/EqljzP0IG6s?t=18
Ainsi que ce texte que vous reconnaîtrez :
« J’appelle égrégore, mot utilisé jadis par les hermétistes, le groupe
humain doté d’une personnalité différente de celle des individus qui le
forment. Bien que les études sur ce sujet aient été toujours ou
confuses, ou tenues secrètes, je crois possible de connaître les
circonstances nécessaires à leur formation. J’indique aussitôt que la
condition indispensable, quoique insuffisante, réside dans un choc
émotif puissant [...] L’égrégore le plus simple se crée entre un homme
et une femme. » L’égrégore est donc ce tout qui dépasse l’ensemble de
ses parties, ce rassemblement d’individus qui donne naissance à une
entité nouvelle et autonome. Et les civilisations, selon Pierre Mabille,
sont précisément des égégores : elles sont même les plus vastes et les
plus durables. Mais pour « que l’entité dure, l’élan émotif nécessaire
doit rencontrer des conditions favorables. Lieux géographiques,
circonstances ethniques, nécessités économiques viennent compléter le
fait passionnel. Pas plus que l’anatomie, la physiologie, le roman
psychologique pris isolément n’épuisent la réalité de l’homme, les
analyses sociologiques partielles ne sont satisfaisantes. Décrire
l’importance des rapports économiques complexes ou la valeur des mobiles
sentimentaux sont besognes nécessaires, mais plus indispensable encore
est la perception de l’unité vivante que constitue le groupe social. »
Dans
cet ouvrage paru en 1938, Pierre Mabille nous invite à une étude
singulière des civilisations perçues comme des entités vivantes.
S’intéressant plus particulièrement à la nôtre, la civilisation
chrétienne, il en diagnostique la fin et s’efforce de déceler les germes
qui donneront naissance à celle qui lui succédera. À cet égard, il
perçoit la guerre d’Espagne, et notamment le fait des Brigades
internationales, comme un « événement sensationnel qui servira de test
pour apprécier les composantes diverses de la réalité collective
d’aujourd’hui et de demain. [...] La valeur unique du débat espagnol
vient du fait qu’il se présente avec une netteté presque symbolique. La
lutte d’un peuple dépourvu jusqu’alors de toutes connaissances et de
toutes techniques modernes, n’ayant de force que sa révolte et sa
conscience contre l’union de toutes les Internationales d’oppression, de
toutes les puissances européennes et mondiales (christianisme,
capitalisme, pseudo-démocraties libérales) revêt un aspect homérique où
l’on sent la naissance d’un mythe. »
Bien à vous,
Renaud bouchard.