@Yann Esteveny
Ma réponse serait restée conforme aux canons de l’Education nationale, universitaire et médiatique, comme vous dites, si je m’étais contenté d’aller dans le sens du Lévi-Strauss de Race et Histoire, publié en 1951 dans le cadre d’une série de recherches portant sur les études de la race par d’autres anthropologues et généticiens.
A cette époque-là, on peut dire que Lévi-Strauss était « politiquement correct ». Il ne deviendra célèbre qu’avec la publication de Tristes tropiques.
En 1971, presque vingt ans après la publication du livre, l’UNESCO invite Lévi-Strauss à s’exprimer lors d’une conférence à l’occasion de l’Année internationale d’action contre le racisme et la discrimination raciale : Race et Culture.
Ce discours provoque un soulèvement de critiques et de scandales.
Qu’est ce qui a suscité ces critiques et ce scandale ? deux choses ; d’abord Lévi-Strauss revient sur l’idée d’une équivalence des cultures et ensuite sur l’idée d’une fécondité automatique de la diversité.
Vous voyez qu’il s’est attaqué, ce qui était très courageux de sa part, à deux tabous de la pensée dominante : le relativisme culturel (toutes les cultures se valent, il n’y a pas de valeurs universelles) et l’abolition des différences dans la grande communion universelle.
Voici ce qu’il dit dans Race et Culture, conférence prononcée à l’UNESCO à Paris en 1971 à propos de la diversité : « ... toute création véritable implique une certaine surdité à l’appel d’autres valeurs pouvant aller jusqu’à leur refus et même leur négation. Car on ne peut, à la fois, se fondre dans la jouissance de l’autre, s’identifier à lui, et se maintenir différent. Pleinement réussie, la communication intégrale avec l’autre condamne, à plus ou moins brève échéance, l’originalité de sa et de ma création. » Le texte, repris en tête du recueil d’article Le Regard éloigné en 1983, suscitera alors une polémique.
Vous voyez que Claude Lévi-Strauss n’a pas été épargné par le « politiquement correct ».