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Bonjour Chitah.
Je suis allé lire le résumé que vous m’avez aimablement conseillé et je vous en remercie. C’est intéressant, vraiment : on a l’impression d’être sur une autre planète, mais là, ce sont les lions qui discutent entre eux, et le ton y est vraiment étonnant.
Par exemple, cette phrase : « Donc les richesses ça ne se répartit pas. Poser la question de la répartition des richesses est MORALEMENT répréhensible, et donc discuter des modalités serait aberrant. »
Quelle surprise d’entendre parler de morale, et en majuscules, parmi des gens qui n’ont manifestement de morale que celle du plus fort... Où est la morale de ne donner au salarié soumis par le droit que juste de quoi vivre et de garder tout le reste du « gâteau » à partager sans avoir soi-même travaillé ? C’est bien ce que fait l’actionnaire, n’est-ce pas ? Et qu’est-ce d’autre que la loi du plus fort ? Où est la morale ?
Comment fonctionne le mérite dans le cerveau des lions ? Pour eux, il n’est de vrai mérite que si on est propriétaire ou si on dirige, dirait-on : le mérite de ceux qui s’échinent sans rien posséder ni décider, ce mérite-là ne compte pas, à l’évidence, ou peu. C’est un peu une mentalité d’aristocrate, non ? Est-ce qu’on peut être lion et de bonne foi ?
Il a un océan d’incompréhension entre nous.
Je comprends l’indignation devant un prélèvement étatique qui paraît excessif. Je comprends la résistance à l’État pour protéger sa liberté individuelle. Je comprends que le rôle décisif de l’entrepreneur qui réfléchit, qui anticipe, qui ose, qui risque... ce rôle déterminant, donc, justifie qu’il gagne beaucoup plus (mais pas n’importe quoi) que ses employés qui se contentent, confortablement pourrait-on dire, d’exécuter les ordres et de rentrer finalement assez sereins le soir à la maison. Je comprends que celui qui prête son argent à d’autres pour qu’ils puissent travailler en tire un revenu, prix de sa privation et du risque qu’il court...
Je comprends et accepte (en partie au moins) le système capitaliste de base comme un bon système pour motiver les hommes à se donner du mal en les récompensant à proportion de leurs efforts dans un contexte de liberté individuelle.
Mais...
Tout est question de mesure et précisément, ces temps-ci, la mesure s’affole et les abus se multiplient. La liberté totale, c’est bien la fin de la liberté pour le plus grand nombre et la liberté pour ceux-là seulement qui sont les plus forts, tout le monde peut comprendre ça. Quelle est la liberté des poules libres dans le poulailler libre avec des renards libres ? Si ça n’est pas une supercherie ?!
Et pour revenir à notre sujet, d’où viendrait que « les richesses, ça ne se répartit pas » ? D’où sort cette affirmation péremptoire ? Dit comme ça, c’est une pierre d’achoppement. On dirait le lion qui garde tout pour lui, qui ne comprend pas pourquoi ça grogne autour, et qui en plus se prévaut d’une « morale » qui lui donne tous les droits.
La civilisation consiste précisément à ne pas se comporter comme des lions, il me semble. Et un État fort est chargé, précisément par les plus faibles, de dompter les récalcitrants.
Chitah, c’est pacificateur, ça, non ? Sans une police (économique ou autre) qui interdit au plus fort de vous violer, voler, trucider, vous auriez peur jour et nuit, vous-même Chitah, de sortir dans la rue, peur d’y laisser votre peau...
C’est le monde que vous voulez ? Mort aux faibles, solidarité zéro et chacun pour soi ?
Je n’ose pas croire ça, ce serait une folie régressive, tout le monde y perdrait, c’est notre société, le fait de savoir s’associer qui fait notre force, c’est sûrement un malentendu. Non, quand vous détestez l’État, je pense (mais je peux me tromper, j’essaie de vous comprendre sans être dans votre tête) que vous voulez juste ne pas partager, garder tous les fruits de votre travail sans rien donner à l’État, ou juste le minimum. Simplement pas solidaire, OK.
On peut le comprendre, mais c’est exactement la même logique qui pourrait animer les travailleurs actifs refusant de partager ce qu’ils ont créé de leurs mains (et encore moins se faire plumer) avec les actionnaires inactifs...
Finalement, tous sont des égoïstes en puissance et c’est le droit du moment qui favorise les actionnaires dans le rapport de forces... mais cela ne va pas durer : on entend dire partout qu’il faut pendre les gros actionnaires avec les tripes des grands patrons...
Sans aller jusque là, on pourrait, avant qu’ils ne s’entretuent, tenter de rééquilibrer un peu les pouvoirs entre ceux qui bossent et ceux qui regardent bosser, non ?
Je trouve que le néolibéralisme a quelque chose de bestial, étonnamment assumé d’ailleurs, tant les références à la nature et à la jungle abondent pour justifier les comportements de prédateur. Mais cet individualisme bestial, dans l’histoire des hommes, c’est un recul, non ?
Pardon d’être si long, j’essaie de vous comprendre, malgré le fort sentiment d’injustice et d’égoïsme de privilégiés que je ressens en lisant le forum que vous m’avez indiqué.
Amicalement.
Étienne.
25/11 13:39 - Thinkgreen
24/09 11:53 - Étienne Chouard
Bonjour (et pardon d’avoir perdu le contact si longtemps), Tout ça est un peu loin (...)
21/08 21:33 - JeanG
Bonjour Étienne, Tu sollicites des avis,... je n’ai que des questions a te poser. Elle (...)
02/12 18:12 - emil
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26/07 13:57 - Laurent
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26/07 13:50 - Laurent
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