« Il est nécessaire de s’interroger sur la similitude ou la différence du traumatisme que l’on soit victime ou bourreau. Du point de vue de la passivité, nous pouvons dire : « Le pire, c’est d’être victime d’un génocide, ensuite d’une guerre, puis bourreau d’une guerre puis d’un génocide... » L’affirmer serait définir une échelle de valeur inutile car le traumatisme psychique agit sans crier gare sur les victimes et les bourreaux. Ses traces se détectent dans les rêves et les cauchemars. Ce qui diffère, c’est la capacité d’empathie de celui qui écoute.
Cette difficulté d’être en empathie avec les bourreaux est une véritable difficulté dans cette clinique. Combien de fois, au Rwanda, des personnes m’ont demandé d’aller là-bas, auprès des génocidaires pour « savoir ce qui s’était passé dans leur tête », pour que « ça ne recommence pas ». Même en position de chercheur, je n’ai pu le faire. Les victimes étaient trop proches. C’était une demande de compréhension de l’autre et non pas de soins pour soi.
Dans une autre configuration, je me suis approchée de ceux qui ont été actifs ou avaient la possibilité de l’être : les appelés de la guerre d’Algérie. Tous ont été traumatisés. Ils avaient besoin d’être écoutés et reconnus dans leur blessure. Supporter leurs modes de défense plus ou moins pervers était difficile : ils prenaient à témoin l’autre, maniaient l’humour, étalaient avec une pointe de satisfaction et force détails cela même qui les a rendus malades, énuméraient et décrivaient toutes les tortures possibles… »
https://www.cairn.info/reves-et-traumatismes—9782749202020-page-177.htm
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