Merci
à l’auteur qui via ces articles enchaînés propose un travail aussi
précieux que périlleux : en ces matières on ne peut que
naviguer, ramer à vue sur un thème océanique liquide
insaisissable, et qu’user de mot-bouées fugitives, « esprit,
conscience... » impossible
à ancrer faute de fond solide tangible. Casse-gueule cette affaire !
Ma critique est donc d’abord une auto-critique qui ne s’adresse pas à
l’auteur, mais à l’intellection humaine commune elle-même. Nous
sommes dans le même bateau.
Exemple
parmi tant d’autres : dans le paragraphe « Le
nouveau-né et les êtres spirituels »,
on a :
« ...[l’enfant nouceau-né :]
l’objet privilégié de son activité visuelle est le visage
humain...
Cela signifie que l’enfant possède des compétences
sociales innées qui ne sont pas à la portée du cerveau, cet
« ordinateur sensoriel ». Il existe un phénomène, la
conscience spirituelle, qui est au-delà de la perception et de la
survie. »
Ces phrases affirment mais n’expliquent
rien. Elles témoignent d’une confusion intellectuelle commune,
confusion psycho-linguistique paradoxale, qui nous pousse tous à
vouloir formuler articuler, modéliser via un niveau de langage
donné, ici celui de l’intellection consciente du sens commun adulte
par défaut (le français du quotidien en phase textuelle), des
phénomènes sub- ou infra- langagiers, infra-conceptuels,
extra-référentiels.
Ben çà marche pas, c’est pas possible !
Et dieu merci ! Sinon nous serions inondés par l’intellection
de notre propre « inconscient ». L’outil verbal n’est pas
le bon pour y plonger !
C’est d’ailleurs ayant constaté cette
limite au contact du réel physique que les humains ont inventé les
mathématiques au sens large, en ont normalisé, désubjectivé,
désobjectivé les composants morpho-syntaxiques et les signes
langagiers. Essayer de résoudre une (pas) simple équation du 3e
degré avec des arguments psycho-théologico-philosophiques... c’est
évidement pas le bon langage, çà marche pas. De même il est
impossible de « penser » la psychogénèse profonde d’où
émerge le mot « conscience » avec « les mots »
de sa surface. Une barque n’est pas un bathyscaphe. Il faut un
appareil conceptuel ad hoc.
Voyons cela dans l’exemple où on
parle :
1. « des compétences sociales
innées » [du nouveau-né] : non et non ! Des
potentialités structurelles d’amorçage d’interactions
relationnelles proto-langagière, oui peut-être, d’ailleurs
pré-natales, sans doute, mais absolument pas « sociales »
et pas des « compétences » ou alors ces mots ne veulent
rien dire rien ni psycho ni en socio ! La relation organique de
parturition mère-enfant, de tétée, n’est pas « sociale »
ni même « proto-sociale » ! mot ici intrusif,
étranger au processus.
2. [compétences] « qui
ne sont pas à la portée du cerveau » : ben voyons, à
portée de quoi alors ? De main, de visage, de sein ? Sauf
qu’il n’existe pas de cerveau sans main ni de sein sans
cerveau...d’âme sans corps ni de corps sans âme, de psyché sans
soma... ni enfin et surtout d’enfant sans mère, c’est à dire d’être
sans relation ontogénésique cyclique. Le mot « cerveau »
ici n’est pas cohérent avec le propos.
3. cerveau, cet "ordinateur
sensoriel" : non et non ! métaphore piégeuse à
ici posée contre emploi : car justement le génie du numérique
électronique c’est qu’il n’y a pas de distinction qualitative entre
données binaires codifiées (data des capteurs « sensoriels »)
et données binaires codifiantes (algorithme du processeur) et c’est
de là que la machine, à l’imitation du langage autogène du
vivant con-sciant, tire son potentiel de « quasi-conscience »
artificielle, d’apprentissage retro-algorithmique. Aucun mystère
là-dedans ! Donc cerveau vivant ou machine, « l’ordinateur
sensoriel » çà veut rien dire !
En bilan d’étape, il semble que
l’auteur postule dès le départ de ses exposés l’idée d’une
insoluble rupture esprit/matière, conscience/réalité, psyché/soma,
d’un pont introuvable, et finalement fait un courageux panorama des sciences
pour le confirmer. Sa question est déjà sa conclusion. Au lieu de
chercher ce qu’il trouve, il ne trouve que ce qu’il cherche faute de
voyager en façonnant le bon véhicule mental, intellectuel, se
contentant du « sens commun » pré-construit qui n’est
pas fait pour cela.
Mais la suite prouvera peut-être que je me
trompe.