Parler de « sens originel des mots » traduit une conception « créationnistes » du langage, comme si le Petit Larousse d’origine avait été fourni par Dieu (ou Satan ?) à Adam et Eve dont les descendants que nous sommes auraient fini pour oublier les vertus essentielles.
Or, si on demande à un francophone de chanter comme un coq, il
fera »cocorico », et si on lui demande comment s’appelle ce chant, il
répondra : « le cocorico », comme si le nom du cri de cet animal
était une reproduction en haute-fidélité, dolby surround, du bruit auquel le terme
renvoie.
Mais on sait qu’un Allemand chantera « Kikeriki »
et un Anglais « Cock-a-doodledoo »
Pourtant, normalement, selon Saussure, l’arbitraire du signe linguistique prend toute liberté par rapport
à la réalité extra-linguistique. Il n’y a aucun lien entre le mot « chaise »
et l’objet qu’il représente, entre le mot « tulipe » et la fleur
qu’il désigne.
Même si les onomatopées, et les cris d’animaux en
particulier, nous donnent l’illusion du contraire, il n’existe aucun lien
« physique » entre le signifiant et le signifié, entre l’objet et le mot qui le
nomme, a priori.
Chaque groupe linguistique s’est construit une convention pour
transcrire les onomatopées qui donnent l’impression de perdre une part de
l’arbitraire en gardant une analogie approximative avec les cris qu’elles représentent,
mais il ne s’agit que d’un code, même si les locuteurs concernés finissent
souvent par prendre des vessies pour des lanterner ou les enfants du bon dieu
pour des canards sauvages, parce que ça les arrange et/ou que ça leur rappelle
des souvenirs. A posteriori le mot « fromage » n’évoque pas la même
chose que « käse » ou « cheese ».