Le fait que nous soyons des omnivores n’est pas un scoop, pas plus que le fait qu’il soit nécessaire de tuer une bête pour manger sa viande.

Ce qui est en cause, c’est le mode de production de la viande comme produit, pas le fait qu’on en mange.

Sans aller jusqu’à espérer un retour à l’ère des chasseurs cueilleurs qui ne transformaient pas la nature pour se nourrir, il y a une marge entre le bon sauvage plus ou moins mythique et idéalisé, et l’agriculture et l’élevage intensifs.

Malheureusement, il semble qu’il soit impossible de dissocier les différents secteurs de l’économie les uns des autres, et que la société préindustrielle dans laquelle les vaches étaient dans les prés et les poules dans les basse-cours soit révolue, il semblerait que les cités-dortoirs s’accommodent mal de l’élevage de lapins dans les baignoires, et il semblerait qu’il faille choisir entre le Smartphone et l’univers idyllique de Paul et Virginie.

Mais avez-vous déjà visité une unité de gavage de canards ou d’oies ?

Les animaux ont le bec coupé pour faciliter l’introduction de l’entonnoir, ils vivent entassés dans des parcs, sur des clayettes à travers lesquelles sont évacués une grande partie de leurs excréments et marchent dans le reste. L’hypertrophie de leur foie est provoquée par une réaction de l’organisme et fonctionne comme une cirrhose. L’élevage est-il synonyme de torture ? Faut-l justifier son hostilité à ces camps de concentration par une appartenance philosophique, idéologique ou politique.

Il n’y a rien d’hypocrite à dénoncer des pratiques perverses qui n’ont rien de nécessaire, dont le but n’est pas de nourrir la population mais de se faire du pèze. Quitte à faire un package, mettons ça dans le même sac que la tauromachie et vaches à hublots.

Mais s’il n’y a rien d’hypocrite là-dedans, il y a beaucoup de snobisme de l’autre côté. Comment le foie gras, le caviar et le champagne ont-ils réussi à se rendre aussi indispensables alors que leurs qualités gastronomiques sont contestables ? Parce qu’ils sont chers et que le potlatch moderne consiste à montrer à ses voisins qu’on a les moyens de foutre l’argent par les fenêtres !