@ M. Taverne
J’apprécie en
général vos approches, mais je me méfie du « bon sens »
du « sens commun ». Votre approche « théorique »
me semble intéressante mais insuffisante dans ses prémisses car
justement elle tente d’en procéder, il me semble.
Or justement,
ayant beaucoup étudié et écrit là dessus, j’ai conclue que le
« bon sens du sens commun » vu comme sous ensemble de
l’intellection consciente langagière subjective, se caractérise par
son incapacité de s’expliquer lui-même à lui-même, et même par
sa fonction qui, curieusement, est de s’interdire de le faire !
Une preuve ?
Les gens « de bon sens du sens commun » nous
traiteront ici de tous les noms (oisifs, intellos, coupeurs de
cheveux en quatre, verbeux...) si nous tentons de l’expliquer, de le
théoriser, y ressentant une menace inconsciente, une sorte viol et
de tentative de domination, d’incursion, d’intrusion. Çà loupe
jamais ! Or ce réflexe de rejet s’explique très bien, n’est
pas malsain, c’est une protection mentale.
En fait cette
phase de la conscience « du commun » est clairement
autogène et collective, empirique et locale, idiomatique comme la
langue locale du sens commun. Du point de vue psycho-linguistique,
c’est un peu le logiciel d’exploitation par défaut d’une
collectivité donnée. Le mot clef de cette analogie est « par
défaut » : c’est le mode de l’intellection minimal
commune à tous, par défaut.
Du point de vue physiologique, le bon sens du sens
commun c’est aussi un peu le régime cérébral de l’état de veille
le plus économe en effort, en énergie neuronale. Il est peu
analytique et quasi-animal. Un régime heuristique économe donc qui mise
sur l’expérience collective engrammée, la priorise : les
stéréotypes, des lieux communs, les idées reçues, les métaphores
convenues, les dictons, les « on dit » et les « on
sait bien que ».
Le bon sens est donc une nécéssité
d’efficience et de priorisation immédiate vitale mais est très
« réactionnaire », « conservatrice »,
« défensive ». C’est donc un bon outil de survie du
quotidien mais une arme dérisoire de situation de crise.
Bref, c’est
amusant de vous lire ce matin car j’étais dans la lecture de
« Matérialisme et empiriocriticisme » où Lénine
débat contre ses concurrents vers 1906 sur des thèmes approchants,
connexes : gnoséologie, idéalisme subjectiviste, rationalisme
et néo-positivisme, etc.
Lénine se méfiait lui aussi du bon
sens, ce fut son moindre défaut !