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Commentaire de velosolex

sur Du Kosovo à l'Ukraine : la Russie dénonce des décennies de mensonges hystériques de l'OTAN


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velosolex velosolex 24 février 2022 18:37
Témoignage depuis Kiev sous les bombes
Témoignage du journaliste Alexander Query, qui collabore pour Mediapart depuis Kiev : 
 
 Le métro de Kiev n’a jamais été aussi calme. Des groupes disparates, adossés au corridor, assis sur leurs sacs, se parlent doucement. 

Les enfants ne courent pas, même les animaux se tiennent tranquilles dans leur cage. Chacun a amené un peu de chez soi avec lui. Alors que le trafic du métro continue, deux mondes s’entrecroisent. 

Certains sortent manifestement du boulot ou rentrent chez eux. On les repère de loin, ce sont ceux qui ont les mains dans les poches ou de petits sacs de courses. Les autres gardent les yeux rivés sur leur portable, à suivre l’invasion qui se déroule à la surface. 

L’attente est longue, on dirait que le temps s’est arrêté. Tout paraît irréel. Une énième alerte nous pousse à prendre nos sacs, préparés depuis longtemps. Des missiles balistiques envoyés de la Biélorussie s’apprêtent à toucher Kiev.

On ne voit pas, dans les films, les annonces paniquées de la presse, le sac qui ne ferme pas, les oublis. À mi-chemin du métro, je me rends compte que nous avons oublié de prendre à manger. 

Les chargeurs pour le téléphone, le portable, le gilet pare-balles, en revanche, oui.

Je n’aurais jamais cru devoir le porter un jour dans la capitale ukrainienne. Dehors, la ville est morte. Tout le monde est parti vers l’ouest. La fumée âcre et la teinte grise du ciel ne laissent pas de place au doute. Kiev est en danger. Une collègue nous rejoint dans le métro. 

La solidarité est palpable. Alors que je regarde défiler mon “newsfeed”, la mine défaite, un jeune homme me touche l’épaule, et me lance dans un anglais slave : « Ça va ? Vous avez l’air de ne pas aller bien. »

Je me trouve en peine de lui répondre, mais je lui souris. Il a l’air rassuré et rejoint sa compagne et leur chat. Nous comptons les points entre Ukrainiens et Russes. 

Six, non, sept avions abattus. Combien de civils tués ? Et « eux », combien face contre terre, à mourir pour une guerre qu’ils ne comprennent pas, sur une terre qui n’est pas la leur ? 

La nouvelle tombe : les Russes s’approchent de Kiev. Par l’est, par le nord, par le sud. Les Ukrainiens ne savent plus où donner de la tête. Et à chaque tank russe qui explose, c’est une salve de joie secrète, un sourire de plus ici. « Eux » ont perdu de leur humanité au moment où ils ont foulé le sol ukrainien. 

C’est un affront que les Ukrainiens ne pardonneront jamais. Les nouvelles se suivent et ne se ressemblent pas, « ils » envoient des missiles, « ils » prennent Hostomel, au sud de Kiev, « ils” »auront envahi toute l’Ukraine d’ici ce soir. 

Et c’est l’incertitude qui prime. Partir, rester ? Que feront les Russes ici ? Est-on en sécurité ? Les troupes avancent, les combats font rage, le moment est « historique » et les commentateurs s’en donnent à cœur joie. Mais pas de musique patriotique, pas de flonflons. Au cœur de l’Histoire, c’est la peur qui prime. 

À quelques mètres, la voix du président ukrainien Volodymyr Zelensky sort d’un téléphone, Le discours est en russe, c’est celui qu’il a prononcé en exhortant les Russes à réagir, alors que Kyiv tremblait déjà sous les vibrations des missiles Grad, ce matin. 

Dans toutes les villes d’Ukraine, les mêmes images, le feu et la fureur anonyme, les jurons d’incrédulité.

Un gamin tient la main de son père, et lui demande, en répétant comme le font les enfants : « Papa, quand est-ce qu’on rentre chez nous ? » Le père ne répond pas. Il n’ose sans doute pas lui dire que quand ils rentreront, ce ne sera plus chez eux. 


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