Macron a obtenu 28% des voix (des votants, donc) au premier
tour. Son avance de quatre points sur Le Pen était légèrement supérieure à
celle de 2017. Mais le contexte n’est pas le même : il y a cinq ans, il
apparaissait à certains comme un « insurgé libéral » amenant de l’air
frais et un renouveau démocratique, Le Pen luttait souffrait toujours de l’entreprise
de diabolisation qui fonctionnait encore. Ces deux images sont dépassées et l’écart
entre les deux chevaux de retour au deuxième tour risque d’être plus serré au’au
dernier labourage.
ne parvenait pas à
détoxifier sa marque – ne s’applique plus. Cette fois-ci, les sondages
suggèrent un concours beaucoup plus serré dans deux semaines, certains
suggérant que l’écart entre les deux candidats se situe dans la marge d’erreur
; pour la première fois en 64 ans d’histoire de la Cinquième République,
l’extrême droite française a une chance réelle – sinon – de remporter la
présidence.
En fait, paradoxalement (mais est-ce un hasard), l’apparition
d’un Zemmour xénophobe a permis à la dirigeante du Rassemblement national d’apparaitre
comme une modérée, ce qui ne l’empêche pas (et là, c’était prévisible) de
bénéficier de son soutien au second tour, ce qui représenterait plus de 30% des
électeurs. Même si les voix de leurs électeurs n’appartiennent pas à leur
candidat, il est peu probable que ceux de Zemmour votent pour Macron, et il est
probable qu’ils votent pour le dégommer.
En fait, comme l’a dit Mélenchon dimanche soir, les chances
de Le Pen dépendent de sa capacité à mobiliser une partie de la gauche dont une
partie est hostile au consensus dominant autour de Macron et pas forcément disciplinés
envers des partis discrédités.
Le Pen devrai continuer à argumenter sur la perte du pouvoir
d’achat récente et à venir, et mettre une sourdine sur les questions de l’immigration,
la clientèle Zemmour étant acquise. Elle a d’ailleurs déjà commencé à s’adresser
directement à la gauche anti-establishment en promettant une présidence
consacrée à offrir « la justice sociale et la protection » et "la
solidarité envers les plus vulnérables". Certains sondages suggèrent que
30% des partisans de Mélenchon, principalement issus de la classe ouvrière,
pourraient voter pour elle et un nombre égal s’abstenir. Pour Macron, une
légère augmentation de ces chiffres serait la Bérézina, or ses prévisions (des
menaces, pas des promesses) sur le relèvement de l’âge de la retraite risquent
de devenir un handicap aussi lourd qu’un boulet, et il ne peut plus se renier,
non pas par loyauté mais par logique, car on ne peut pas avoir tout et son
contraire. Même si sa visite lundi dans le Nord, région post-industrielle en
dépression, a marqué un tournant, un « front républicain » d’électeurs « anti-extrême
droite » apparaît fragile. A force de crier au loup, le petit berger a
perdu sa crédibilité maintenant que le loup est là.