• AgoraVox sur Twitter
  • RSS
  • Agoravox TV
  • Agoravox Mobile


Commentaire de BA

sur Dans les écoles de la République


Voir l'intégralité des commentaires de cet article

BA 31 mai 2022 22:16

« 30 minutes pour devenir prof » : polémique après le « job-dating » de l’académie de Versailles.


Lorsque l’éducation nationale organise des concours en vue de recruter des professeurs - titulaires -, de moins en moins de candidats se présentent. Conséquence : partout en France, les effectifs manquent.


Les académies peuvent recourir à des contractuels, mais encore faut-il le faire savoir. Usant largement des réseaux sociaux et de la vidéo, la rectrice de l’académie de Versailles, Charline Avenel, se met en scène pour convaincre les candidats de participer à un immense « job-dating », organisé sur quatre jours :


« Vous recherchez un emploi ? Un nouveau métier qui a du sens ? », lance-t-elle face caméra, avant d’inviter à devenir « professeur dans les écoles, en collège, en lycée », dans les quatre départements de son académie. A cette occasion, chacun pourra « convaincre » qu’il peut enseigner lors d’un entretien d’une demi-heure avec un responsable de l’Education nationale.


L’académie de Versailles est un mastodonte employant plus de 90000 agents, ce qui en fait le plus gros employeur d’Île-de-France. Mais il lui manque quelque 2000 enseignants pour assurer la rentrée de septembre. Avec ces « journées du recrutement », elle propose d’embaucher pas moins de 1300 enseignants contractuels. La session, qui doit durer quatre jours, a débuté lundi 30 mai pour s’achever jeudi 2 juin.


Le succès est-il au rendez-vous ? La foule se massait lundi matin devant le rectorat de Versailles, avec des profils très variés : quelques personnes souhaitant se reconvertir, beaucoup d’autres diplômées mais sans emploi. Ils témoignent.


Anna, 22 ans, assistante de russe :

« En arrivant de Russie en septembre dernier, j’ai obtenu un poste d’assistante de langue russe dans un lycée du Val-d’Oise et ça m’a beaucoup plu », raconte Anna, Russe qui s’exprime dans un français parfait.

La situation en Russie « me pousse à rester en France : il est impensable de revenir dans mon pays », ajoute Anna, qui a suivi dans son pays des études de traduction français-russe au niveau licence.

« Enseigner en France serait un rêve et le recrutement proposé ici en tant que professeur contractuel peut vraiment être un bon tremplin pour des gens comme moi ».


Jonathan, 27 ans, ingénieur en poste :

« Je ne suis pas bien vieux mais j’ai déjà connu cinq entreprises en tant qu’ingénieur et j’ai décidé que, désormais, j’ai envie de transmettre », explique Jonathan, ingénieur dans les Télécoms, qui donne déjà des cours en lycée en parallèle de son métier.

Son rêve ? « Enseigner l’économie-gestion en lycée technologique ». « Ce n’est pas prétentieux mais ça peut être très instructif pour les élèves d’avoir un professeur qui a une expérience dans le privé », déclare le jeune homme qui se dit « extrêmement motivé par le terrain » et souhaite « démarrer dès la rentrée ».

« Mon entourage s’inquiète pour moi de la perte de salaire, mais c’est tellement une évidence que je suis prêt à diviser mon salaire par deux, sans problème ».


Kamel, 44 ans, en recherche d’emploi :

« Avec une licence en génie-mécanique en poche, je pense avoir mes chances pour décrocher un poste de prof de mathématiques notamment, car les besoins sont énormes pour la rentrée prochaine », avance Kamel, en recherche d’emploi dans les Yvelines.

« Après de longues années dans le secteur de l’automobile, j’ai fait une pause et quand Pôle Emploi m’a démarché pour ce ’job dating’, j’ai sauté sur l’occasion. Je pensais depuis longtemps à m’orienter vers l’enseignement », dit Kamel.

Il se dit « conscient » du fossé entre son métier dans le secteur privé et l’enseignement. Mais il est « convaincu que tout est possible quand on est motivé ».


Amina, 33 ans, a déjà enseigné en Algérie :

« J’ai enseigné pendant six ans en collège en Algérie, donc l’éducation, je connais », dit Amina. «  Je préfère me tourner vers l’école maternelle ou élémentaire, qui correspondent mieux à mes attentes », poursuit la jeune femme, arrivée en 2018 en France, où elle a eu plusieurs expériences dans le périscolaire.

« Je suis extrêmement motivée par l’idée d’enseigner. Ca me manque énormément, je ne veux pas laisser passer cette opportunité de recrutement de dernière minute  », ajoute-t-elle.

« Je croise les doigts pour que ça marche dès la rentrée. Et puis si tout se passe bien, je pourrai passer le concours dans quelques années ».


« Devenir prof en 30 minutes », sur le principe du « job-dating » ? L’initiative passe mal dans le corps enseignant : déjà, quand les titulaires ont besoin d’un bac+5 pour devenir enseignant (niveau master), ce n’est pas le cas pour les contractuels, qui peuvent postuler à un niveau très inférieur.


Ensuite, la démarche en elle-même choque : « Quelle horreur », « un scandale », « des enseignants au rabais », « 30 minutes pour devenir prof quand il faut normalement cinq ans », « quelle honte, quel mépris pour les enseignants, les élèves et leurs familles », réagissent des milliers d’internautes en découvrant l’initiative. 


Le rectorat a beau assurer que les candidats reçus seront « accompagnés », de nombreuses familles s’inquiètent aussi, sur les réseaux sociaux, de la qualité de l’enseignement qui sera dispensé à leurs enfants. Des connaissances propres de ces néo-profs, d’abord, mais aussi de leur capacité à « tenir » une classe, à se montrer pédagogues, à l’écoute, et à évaluer correctement les élèves, par exemple.


Beaucoup d’internautes moquent des candidats pour qui la motivation serait « changer de vie », voire « s’occuper », avec des capacités très éloignées de ce qui est nécessaire à l’enseignement.


Côté syndical, le job-dating ne séduit pas plus : « Enseigner, c’est un métier qui s’apprend », lance par exemple le Snes-FSU des Hauts-de-Seine. Tout en rappelant que la crise des vocations est ancienne, documentée, et que la rémunération des professeurs français est l’une des plus faibles des pays développés. Les professeurs contractuels « sélectionnés » qui seront reçus après un job-dating auront par la suite la possibilité de passer les concours, pour, espère le rectorat, renforcer ses effectifs.


En attendant, jouant la transparence, le rectorat a publié les rémunérations de chaque poste : 2022 euros à 2327 euros bruts mensuels, selon le niveau de diplôme, en enseignement général, et 1820 à et 2903 euros bruts mensuels selon le niveau de diplôme et d’expérience pour l’enseignement technique et professionnel.


Des primes sont prévues dans certains cas précis (enseignement en réseau d’éducation prioritaire, etc.).


Suffisant ? Latifa, 44 ans, en reconversion professionnelle, ne s’inquiète pas... même si son salaire va baisser « de moitié » : « Si c’est pour faire un métier qui répond à mes valeurs, je suis prête à faire des sacrifices », assure-t-elle. 

Sa motivation est ailleurs : «  Après 15 ans dans le monde de l’entreprise, j’avais besoin de donner du sens à ma vie », raconte-t-elle. Elle souhaite devenir professeur d’anglais au collège, lycée général ou professionnel, pour ne plus « se sentir inutile ». 



https://www.leprogres.fr/education/2022/05/31/30-minutes-pour-devenir-prof-polemique-apres-le-job-dating-de-l-academie-de-versailles



Voir ce commentaire dans son contexte





Palmarès