Vous présentez l’épopée coloniale comme un retour de la
grandeur de la France après un épisode calmiteux de révolution (pouah) et d’empire
(repouah). Un grand absent dans cette version rocambolesque d’une histoire déjà
croquignolesque : Toussaint Louverture et
l’indépendance d’Haïti qui montre un autre visage des aventures coloniales.
En 1825, Charles X a imposé à sa lointaine colonie de payer 150
millions de francs-or sa nouvelle indépendance. L’économie de l’île, qui s’est
saignée pendant cent vingt-cinq ans pour honorer son contrat, ne s’en est
jamais relevée.
La somme dépassait de loin la réalité financière du pays,
ruiné par des années de guerre. Qu’à cela ne tienne ! Paris était prêt à aider
le gouvernement haïtien à trouver en France un emprunt à des « conditions
convenables ». « Vous devriez même insister, a écrit le ministre de la Marine (le
comte de Chabrol), au porteur de l’ordonnance, pour qu’il ne s’adressât pour
cet objet à aucun autre pays. »
Pour amener les Haïtiens à accepter « le pacte le plus
généreux dont l’époque actuelle offre l’exemple », Charles X avait des arguments
de poids. Il a fait escorter l’ordonnance par une armada de 14 bâtiments de
guerre armés de 528 canons. En cas de refus, toujours selon le ministre de la
Marine, Haïti serait « traité en ennemi par la France », dont l’escadre « est
prête à établir le blocus le plus rigoureux devant les ports de l’île ». A la
tête d’un pays mis au ban des nations, sous pression entre autres de
l’ex-métropole, et incapable de renouveler les efforts de guerre qui avaient
mené à l’indépendance, le président haïtien Jean-Pierre Boyer a signé.
Ça ne vous rappelle rien, ces histoires d’endettement de
pays déjà ruinés ? Les impérialistes seront toujours les-mêmes, quelle que
soit la longitude.