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Commentaire de Étienne Chouard

sur Chômage, dividendes et Constitution d'origine citoyenne


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Étienne Chouard Étienne Chouard 21 mai 2006 22:19

.

Gem,

Je réponds à votre message du 19, à 15h55 :

Les rentiers ne sont pas tous des ménages :

Rente : définition du Petit Robert : Rente : « Revenu périodique d’un bien, d’un capital. Avoir des rentes. Toucher une rente. - Vivre de ses rentes : avoir des revenus suffisants pour pouvoir vivre sans travailler. »

Rente : définition du dictionnaire TLFI Trésor de la Langue Française Informatisé" (une pure merveille de produit gratuit, sans profit, sans compétition, un cadeau des hommes aux hommes... Exemplaire... ;o) : « Revenu périodique, généralement annuel, à l’exception de celui du travail. »

Vous dites : « Si vous voulez parler des rentiers, comme le chapeau de votre article le suggère, c’est bien la case F 35 du TEER qu’il faut regarder. Les ménages, et seulement les ménages. Sinon, vous ne parlez pas des rentiers et votre titre est trompeur. »

Qui trompe qui ? Je ne comprends pas : une entreprise qui reçoit (‘ressources’) des dividendes (qui lui sont versés au détriment mécanique des salariés de l’entreprise qui verse les dividendes) doit-elle être considérée comme un travailleur ?... Ou comme un rentier ?

Il me semble bien que ce revenu sans travail constitue une rente, quel que soit son bénéficiaire. Simplement.

Donc, de ce point de vue, il me semble, les emplois (les chèques émis, si on veut) suffisent à appréhender la réalité qui m’intéresse.

Dans ma recherche de la clef de répartition des richesses créées entre ceux qui bossent et ceux qui ne bossent pas, je ne vois pas pourquoi les rentiers seraient forcément des ménages.

Les dividendes des uns qui neutraliseraient les dividendes des autres :

Vous dites : « Les 130 milliard dont je vous ai signalé l’existence ne sont évidemment pas restés au sein de la MÊME entreprise, ils sont passés vers une AUTRE entreprise, et donc il sont bien restés, comme je l’écrivais, « au sein des entreprises » (collectivement parlant, ce qui me paraissait bien évident). Mea culpa pour l’imprécision, mais ça n’en faisait pas une erreur.

Pour faire simple, un petit exemple, modèle réduit du TEE.
L’entreprise F est filiale de l’entreprise G, qui elle-même est propriété de M. Riche.
F verse 539 000 € à ses salariés, 130 000 € de dividendes à G.
G verse 41 000 € de salaires, 48 000 € de dividendes à M. Riche.

Vous voyez bien que ça ne change rien aux salaires qu’ils soient versés par F ou par G : 539/41 ou 41/539, ou 580/0, c’est pareil pour votre raisonnement. C’est bien la somme des salaires F+G qui compte. Vous devez bien comprendre (quand même !) que ça change tout si les dividendes sont versés par F ou par G : 178/0 ou 0/178, ce n’est pas du tout pareil ! Dans le premier cas (178/0), les dividendes ne font que payer des frais de l’entreprise G (et M.Riche, soucieux, envisage une restructuration de F et G, au grand dam des salariés), dans le second (0/178) ils représentent un bénéfice enviable (et M.Riche se frotte les mains et se demande comment développer tout ça, peut-être même embaucher voire, rêvons un peu, accorder des augmentations). Que signifie la somme des dividendes F+G ??? C’est un flux comparable au chiffre d’affaires ; d’ailleurs, au lieu de verser des dividendes, l’entreprise F aurait tout aussi bien pu payer G sous n’importe quelle autre forme : intérêt d’emprunt, redevance de brevet, etc. qui serait passée en chiffre d’affaires. Mais un chiffre d’affaires n’est pas un bénéfice !

Vos 177 milliards ne signifient rien, ou, en tout cas, pas ce que vous leur faites dire. »

J’ai un peu de mal à comprendre cet exemple. En quoi les dividendes que l’entreprise verse sont-ils comparables à un chiffre d’affaires ?

Si on paie des dividendes, c’est bien qu’on est au-delà du chiffre d’affaires, n’est-ce pas ? Il va y avoir distribution à l’extérieur de l’entreprise et l’argent va changer de mains : le choix des mains n’est évidemment pas indifférent, pas neutre, pas transparent pour les acteurs.

Dans un autre billet (19 mai à 20h51), vous dites :

« l’entreprise A verse 1000 € de dividende à l’entreprise B, l’entreprise B verse 1000 € à l’entreprise C, la C autant à la D, etc. et la Z , enfin, 1000 € à l’entreprise A ET 999 € à M.dupont. Par ailleurs chaque entreprise verse 10 000 € de salaires.

Combien de dividendes versés ? 27 000 €, au total. Que signifie ce chiffre ? Rien. Aux problèmes fiscaux près, les entreprises auraient tout aussi bien pu se verser entre elles 0 ou 100 000 €, ou même n’importe quoi, elles n’auraient pas été ni plus riches ni plus pauvres. Seuls comptent, d’une part les salaires, et d’autre part le dividende versé à M. Dupont. »

Je crois comprendre ce que vous voulez dire : quand les versements reçus par les uns rendent possibles leurs propres versements à d’autres, si on redirige certains dividendes vers des salaires ou des investissements, cet argent va manquer en ressource aux entreprises suivantes, qui distribueront donc moins, etc.

C’est ce que vous voulez dire ?

Mais si A verse à B qui ne verse pas à C qui verse à D qui ne verse pas à E, etc. Dans ce cas, la chaîne de dépendance mutuelle que vous évoquez n’existe pas et on confirme alors, dans ce cas qui paraît plus vraisemblable, que chaque décision de distribution est un choix qui se fait au détriment des salariés et de l’investissement.

Et on ne voit pas, dans ce cas, la raison qui interdirait de sommer ces décisions, comme on somme les salaires, sans tenir compte de la source des bénéfices à distribuer. Cette somme semble bien avoir un sens, exactement comme une somme de revenus distribués (vous faites bien la somme des salaires versés ?).

Enfin, dans un autre billet (19 mai, 21h09), vous comparez les compensations entre dividendes versés et dividendes reçus, qui devraient avoir lieu, selon vous, comme la TVA collectée est à compenser avec la TVA déductible.

Mais je trouve que les situations ne sont pas comparables : en matière de TVA, il n’y a pas d’appauvrissement et la TVA est effectivement ‘transparente’ car toutes les opérations sont faites au nom d’un tiers unique qui est l’État, ce qui fait qu’elle n’est pas une charge.

On ne peut pas dire cela des dividendes car les flux sont volontaires et entraînent un enrichissement ou un appauvrissement, entreprise par entreprise : tous les flux ne vont pas vers la même entreprise tierce où ils pourraient se compenser.

La somme des dividendes est ainsi, comme le serait la somme des salaires, le cumul des décisions de répartition prises au détriment d’un autre choix (augmentation de salaires ou embauches ou investissements) qui aurait pu être fait et qui ne l’a pas été.

J’ai l’impression de comprendre une partie de ce que vous voulez dire sans l’accepter en entier parce que je ne trouve pas sa conclusion logique.

En poussant le raisonnement aux limites, on y verra peut-être plus clair : si les entreprises ne versaient des dividendes qu’à des entreprises (et rien à des ménages), (on aurait le même chiffre en emplois et en ressources), dans ce cas, sans considérer qui a reçu quoi, diriez-vous que « tous ces flux ont été déclenchés sans rien prendre aux salaires, entreprise par entreprise » ?

C’est ça que vous voulez dire ? Et vous trouvez que ça tient la route ?

Moi, j’y vois une situation où les entreprises se font chaque année des cadeaux mutuels (sur le dos des salariés qui ont travaillé pour créer les richesses), et où ce sont, globalement, les actionnaires qui s’enrichissent de plus en plus chaque année sans travailler.

Mais si vous avez raison, si ces flux sont vraiment transparents pour le groupe « les entreprises » comme l’est la TVA pour chaque entreprise, quel est l’intérêt des entreprises d’en organiser autant ?

Tous ces points semblent encore bien douteux.

Et vous, finalement : comment calculez-vous le prélèvement sur la valeur ajoutée au profit de ceux qui regardent les autres travailler sans travailler eux-mêmes ?

Je sais bien que vous n’acceptez pas ces mots-là, mais vous avez bien une idée en utilisant d’autres mots, non ?

Si vous me disiez, vous qui avez été à l’école ;o), la méthode (et le résultat) qui vous semblent acceptable pour chiffrer cette ponction, ce serait bien, non ?

Pas si facile, peut-être...

Amicalement.

Étienne.


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