Gaz, électricité : les prix
s’affolent en Europe.
Alors que la Russie menace de réduire
encore ses livraisons en Europe, les prix du gaz s’envolent. Ce
contexte, le manque de production nucléaire, et les vagues de
chaleur entraînent les prix de l’électricité dans une spirale
infernale.
Tous les voyants sont au rouge sur les
marchés de l’énergie. Dans la foulée des annonces de Gazprom sur
la baisse imminente de ses livraisons en Europe, les prix des
contrats à terme de fourniture de gaz se sont envolés, dépassant
ce mardi les 190 euros le mégawattheure (MWh) .
Ils s’approchent ainsi du record
historique de 215 euros le MWh atteint en mars 2022,
lorsque la Russie a lancé son attaque en Ukraine.
Cette nouvelle flambée vient alimenter
l’envolée des prix de l’électricité déjà quasi continue depuis
mi-juin, lorsque Gazprom a pour la première fois réduit ses
livraisons en Allemagne.
Selon les estimations du cabinet Rystad
Energy, « le mois de juillet est en piste pour devenir le mois
le plus cher de tous les temps » sur les marchés de
l’électricité en Allemagne, en France et en Italie.
Cela n’a rien d’habituel en juillet.
Traditionnellement, le beau temps, le début des congés et les
exportations massives de nucléaire français font baisser les prix.
Mais cette année, « toutes les conditions sont réunies pour
un ouragan sur les marchés de l’électricité, les tensions sur les
livraisons de gaz russe, des prix du charbon et du CO2 élevés, des
vents faibles et une sécheresse », liste Fabian Rønningen,
analyste chez Rystad Energy.
A cela viennent s’ajouter la très
faible disponibilité du nucléaire d’EDF et plusieurs journées de
canicule qui ont mis sous tension les systèmes électriques. Au
total, la demande d’électricité a augmenté de 3 % en Europe,
depuis début juillet, essentiellement à cause des vagues de chaleur
et des besoins de climatisation.
Le Royaume-Uni a ainsi frôlé la panne
de courant le 20 juillet dernier, avec une température proche
des 40 degrés et un réseau électrique extrêmement tendu. Le prix
des électrons importés par les Britanniques de Belgique, pour
éviter la panne, a ainsi atteint le niveau inédit de 11.500 euros
le MWh.
En France, le sujet est aussi
particulièrement aigu. Compte tenu du manque de production
nucléaire, les prix de l’électricité pour livraison l’hiver
prochain y sont les plus élevés d’Europe. Ces dernières semaines,
l’écart entre la France et l’Allemagne s’est encore largement
creusé : les contrats de fourniture d’électricité pour
livraison au quatrième trimestre 2022 en France coûtent
désormais 824 euros le MWh, soit deux fois plus cher
qu’outre-Rhin.
Un contexte qui inquiète le régulateur
de l’énergie en France. « Ces prix reflètent soit des
anticipations de forte pénurie, soit une prime de risque élevée
sur le marché de l’électricité français, et vraisemblablement la
conjonction des deux », indique la CRE.
« Cela signifie que le marché
anticipe jusqu’à 200 heures de défaillance en France l’hiver
prochain, c’est un scénario très extrême qui impliquerait 30 jours
de défaillance au cours des trois mois d’hiver », précise le
directeur général de la Commission de régulation de l’énergie
(CRE), Dominique Jamme. Autrement dit, les marchés semblent
surestimer les difficultés attendues cet hiver en France.
« On a l’impression que le marché
ne fait pas confiance aux plannings d’EDF », indique un autre
expert. Soucieux de contenir cette flambée des prix et d’éviter la
manipulation de cours, le régulateur va interroger tous les acteurs
du marché sur leurs stratégies de couverture dans une cadre d’« une
surveillance renforcée ».
Le sujet est de fait crucial pour la
compétitivité des entreprises françaises. Compte tenu de l’inertie
des contrats de fourniture d’énergie encore en cours, toutes ne sont
pas touchées mais certaines doivent déjà affronter la perspective
d’une hausse brutale de leurs coûts de production.
« Les entreprises dont les
contrats de fourniture d’énergie arrivent à échéance à la fin de
l’année sont complètement paniquées. Certaines attendaient le
dernier moment pour renouveler leurs contrats, espérant une
baisse des prix, mais cette position est de moins en moins tenable »,
indique Julien Teddé, le directeur général du courtier Opéra
Energie.
Pour les pouvoirs publics et les
ménages, le sujet est aussi extrêmement sensible. Lorsque le
premier bouclier tarifaire a été mis en place pour protéger les
consommateurs, les prix de l’électricité oscillaient entre 150 et
300 euros le MWh, or on dépasse désormais les 400 euros
le MWh.
En 2023, le coût de la
prolongation d’un tel bouclier tarifaire sera donc décuplé pour les
finances publiques. A moins que le gouvernement n’opte pour un
dispositif bien moins protecteur pour les consommateurs. Le choc pour
les ménages risquerait alors d’être redoutable.
https://www.lesechos.fr/industrie-services/energie-environnement/gaz-electricite-les-prix-saffolent-en-europe-1778830